Développement personnel ou voie spirituelle : exotérisme et ésotérisme [2]

Toutes les grandes religions, que ce soit celles dites du Livre, ou celles d’Orient, sont construite dans 2 directions différentes.  Une voie ésotérique et une voie exotérique.

Je vais employer ici ces deux termes dans leur sens premier. Car aujourd’hui le terme ésotérisme est devenu un mot-valise galvaudé et assimilé à tout ce qui est du domaine du paranormal ou de la magie. Le terme exotérisme, a quant à lui majoritairement disparu de la discussion sur ces thématiques. Alors faisons pour commencer une parenthèse vocabulaire.

Exotérisme : L’exotérisme désigne ce qui est public, profane, par opposition à ce qui est initiatique. Il fut également utilisé pour décrire les cérémonies publiques (religieuses, rituelles) dans leurs manifestations. . L’exotérisme correspond aux croyances, rites et enseignements véhiculés par les religions et traditions qui s’adressent indifféremment à tous les membres d’une communauté, qu’il s’agisse des exotéristes novices (pas encore prêts, mais favorables à l’ésotérisme) ou des exotéristes profanes (indifférents voire hostiles à l’ésotérisme).

L’ésotérisme (du grec ancien esôteros, « intérieur ») est l’ensemble des enseignements secrets réservés à des initiés. Le mot « ésotérisme » est d’origine grecque et, dans l’Antiquité, il désignait habituellement des enseignements réservés à un petit nombre d’initiés.

L’initiation (du latin : initiatio) est le processus par lequel un novice acquiert un statut social ou spirituel plus élevé par l’acquisition de connaissances ou l’admission aux activités particulières d’un groupe. Le terme désigne aussi la cérémonie, le rite de passage ou l’épreuve, qui permet d’accéder au nouveau statut d’initié.

Remarque et critique :

Sur de nombreux sites, on peut tomber sur des propos disant que l’ésotérisme et la connaissance, sont intimement liés à votre être profond, à votre âme. Elle est hors du temps et de l’espace. Elle est immuable et située dans le domaine de l’inné. Ou qu’il s’agit d’un niveau d’informations accessible à ceux qui ont le recul et la maturité spirituelle nécessaires à leur compréhension.

Dans ce genre de propos, l’ésotérisme n’est plus un chemin de connaissance via un maître, mais une information qui vient à nous lorsque l’on travaille sur soi. De fait tout travail psychologique ou de développement personnel peut permettre d’avoir accès à cette information. Il y a là une erreur de compréhension. L’ésotérisme n’est pas un pack d’information dont on a accès si on travaille sur soi. C’est la somme d’informations apprises et intégrées par d’autres personnes qui à leurs tours vont vous la transmettre. Ce n’est donc pas quelque chose d’inné dont on peut avoir accès, mais un travail guidé pour retirer des filtres erronés culturels (de part notre famille, notre cadre traditionnel etc)

Autre remarque sur l’ésotérisme on peut lire : Fi d’une élite, ou d’une quelconque initiation à une société secrète, les connaissances ésotériques furent certes codées, cachées depuis des millénaires afin de les préserver d’un détournement de leur usage premier.

Il y a certes eu des contextes politiques qui ont fait coder des croyances et pratiques au sein d’ouvrages, de murs de temples, etc…, afin de ne pas être pourchassé par un pouvoir qui était contre cette démarche. Mais la majorité des codes n’est pas pour interdire à une partie de la population de manière élitiste, mais bien de protéger des futurs lecteurs qui voudraient pratiquer sans comprendre en profondeur les enjeux ou se qui ce passe. C’est donc pour protéger ceux qui ne veulent pas faire un long travail pour y arriver et non pour censurer à certaines personnes en leur interdisant l’accès.

 

Si l’on fait un très rapide retour en arrière sur l’évolution du christianisme (regard porté par Jacques Ellul)

Les chrétiens primitifs dansaient, dans les églises, des danses jubilantes, bruyantes, compliquées. Ils exprimaient ainsi leur bonheur d’être ensemble sous le regard de Dieu. Leurs pas, leurs mouvements, n’étaient pas hasardeux. Ils imitaient la ronde incessante des astres. Ils tournaient autour de l’autel, comme le font autour du soleil les planètes, façon de dire qu’ils étaient, eux aussi, des êtres célestes. Partout, jadis, on fit ainsi, chez les Egyptiens, les Indous, les Chinois ou les Javanais. On dansa aussi dans la Bible : « Que vos danses et vos tambours glorifient le nom du Seigneur ! » (Ps. CL v. 4) . « Que dansent les fils de Sion pour réjouir Notre Seigneur ! » (Ps. XLIX v. 2-3). Et l’on sait que le roi David dansa, à demi nu, au son des sistres, des flutes et des cymbales, quand il vit l’Arche d’Alliance. Et Jésus, aimait-il danser ? Selon le texte grec des Acta Johannis, « allons, joignez-vous à ma danse », dit-il, le saint jour de la Cène, à ceux qu’il lui fallait quitter. Les gens d’Eglise s’en souvinrent. Jusqu’au Moyen Age on dansa dans les abbayes, les chapelles. Le jour de Pâques, à Chartres, aux vêpres, l’évêque conduisait la ronde ecclésiastique . A Sens, les moines, deux par deux, virevoltaient autour du cloître en dansant la danse cajole . A Besançon, les chapelains, au cours des messes solennelles, exécutaient la bergerette. Puis peu à peu on ne vit plus, dans ces farandoles mystiques, que débordements d’hystérie, incitation à la débauche, et le bonheur du corps cessa d’être honoré dans la maison du Créateur.

Nous pouvons voir qu’au début, cette voie spirituelle était profondément portée par l’expérience intérieure. Les personnes se lançaient dans une démarche pour devenir chrétien et sentir cette voie en eux. Au tout début, il y avait des guérisons et autres pratiques concrète qui étaient directement lié au mode de vie choisi par le religieux. Une fois ce chemin pris et convaincu par celui-ci, la personne se faisait baptiser et alors, elle était initiée au christianisme.

Puis vient le fait que si on mourrait non baptisé on partait directement en enfer, cela à entraîné un changement radical dans la foi, associé à l’idée de vouloir convertir le plus de personnes possible. Il fallait dès lors baptiser les nouveau-nés, puis convaincre ensuite que c’était bon pour eux mort, et vivant. À partir de là, la dynamique religieuse est devenue plus communicationnelle. Il fallait trouver le discours qui allait convaincre que cette voie est la meilleure. On simplifie donc le discours pour qu’il soit comprit par tout le monde, on y amoindrit les complexités et ce qui demande du long travail. C’est-à-dire que l’on rend une voie ésotérique qui demandait un long travail pour être initié, en une voie exotérique, comprise par tout le monde avec le moins de travail possible, pour convaincre le plus grand nombre. 
Nous pouvons retrouver cette évolution, dans de nombreuses autres religions. Cependant, il reste toujours une partie de la population qui veut approfondir, comprendre, sentir et apprendre le fond du message et non juste s’arrêter sur la forme qui devient avec le temps, surtout un cadre moral et un culte intellectuel et / ou culturel. Pour ceux qui cherchent ça dans le catholicisme, il faudra alors rentrer dans l’Eglise et y suivre leur étude pour pouvoir approfondir le message.

 

De nos jours, la majorité des personnes s’intéressant aux domaines spirituels ou « magique » mettent au centre de leur cheminement : l’expérience personnelle.  Et de fait, elles rejettent les religions notamment celles du livre où l’expérience personnelle semble bien moins prise en compte. C’est donc dans une démarche de lier : l’expérience personnelle avec la voie spirituelle, que les personnes s’éloignent des grandes religions occidentale, pour aller vers, soit des religions plus orientale (bouddhisme, taôisme), soit vers des traditions dont l’expérience est au centre de la pratique (wicca, sorcellerie, chamanisme).

Pourtant, l’ésotérisme a aussi été utilisé en Occident pour désigner des enseignements ainsi que des courants (tel que l’alchimie par exemple), qui, au sein du christianisme, sont regroupés sous la dénomination générale d’ésotérisme chrétien auquel appartient en particulier l’hermétisme chrétien. Le mot « ésotérisme » est aussi utilisé à propos de l’islam pour désigner le soufisme, ensemble de doctrines de nature cachée et initiatique au sein de cette religion. Dans le judaïsme, les enseignements de nature ésotérique sont regroupés sous le nom de Kabbale.

Le taoïsme, par exemple dans son aspect relatif à la quête d’immortalité, est également considéré comme étant de nature ésotérique. Le bouddhisme comporte certaines branches ésotériques (Vajrayâna tibétain, Shingon japonais) préconisant des initiations pour parvenir au Nirvâna. Le Bardo Thödol des Tibétains est un livre ésotérique qui plonge ses racines dans la philosophie indienne du Samkhya.

 

Seulement, voilà qu’un retournement non prévus arrive. Porté par les courants news-âge, qui associent développement personnel et spiritualité.

Les ouvrages qui parlent de spiritualités, de magie, de chemin intérieur, sont légion à notre époque. Toute personne qui trouve son chemin se propose de le partager pour aider les autres, et montrer que celui-ci pourrait peut-être aussi leur parler. Une démarche qui tente le plus possible de démocratiser une pratique spirituelle. Le tout en retirant toute vision qui pourrait être un peu trop dogmatique pour rendre le discours universel et donc tout public. C’est ainsi, par exemple, qu’une personne comme Lilou Maçé qui a commencé en interviewant une grande quantité d’auteurs de livres de ce domaine, à regrouper les points communs qu’elle y retrouvait pour en faire à son tour des livres et conférences pour diffuser des pratiques, voir un chemin.

Cependant, la mise en pratique ne veut pas dire initiation. Termes qui dans le domaine spirituel se sont retrouvés fusionnés.  Je ne compte plus, pour illustrer ça, le nombre de stages d’initiation basés sur quelques exercices et un peu de théorie pour avoir une révélation ou une nouvelle « capacité » à la fin du stage.

Seulement lorsque notre vision spirituelle devient une recherche d’absolu, elle nous coupe d’une partie de nous, de nos histoires, de nos ressentis et de la réalité matérialiste du monde. On s’incarne sur Terre (et dans incarnation il ne faut pas oublier le « carne » qui est la viande, le corps). En d’autres termes, la spiritualité peut devenir une échappatoire à un monde complexe dont on ne trouve pas notre place.

Les conséquences sur la vie sont multiples et dépendent de chaque personne. Pour généraliser nous pouvons voir des effets qui semblent se généraliser :

– difficultés à gérer ses relations à autrui (Sentiment de frustration, de déception),

– difficultés à gérer l’organisation, le quotidien, (on préfère s’évader dans un monde plus « spirituel »  « d’effets spéciaux »)

– rapport conflictuelle avec l’autorité, (si l’autre n’a pas à nous apprendre une voie, car elle peut venir dans un rapport diff au monde à l’invisible, alors on rejette l’idée de personnes qui peuvent maitriser mieux que nous ces domaines)

– instabilité professionnelle ou difficultés dans la réalisation de ses projets, (voir perte de sens pour ces sujets là)

–rapport douloureux avec le matériel, (l’idée que celui-ci peut nous éloigner d’un essentiel abstrait et non physique)

– relations de couple et affectives insatisfaisantes (sentiment d’incompréhension, ennui ou conflit dans le quotidien).

De façon générale, tout ce qui touche au domaine du pragmatique est mal vécu ou vécu parfois comme une agression, voir comme une voie à éviter, une incohérence ou un poids lourd à porter (créant une perte de repères).

Nous avons donc une démocratisation, une multitude de publications ou de stages ou de conférences (ouvert tout public). Retirer tout ce qui pourrait être vu ou prit comme dogmatique pour là aussi ne pas fermer un discours à une catégorie de personnes. Voilà en quelques termes une définition de ce qu’est l’exotérisme. Et pour une raison des plus louables (démocratiser un discours pour que tout le monde puisse y avoir accès : liberté, égalité et fraternité (en sortant du dogme)) nous reproduisons ce qui à une autre époque a été critiqué dans les grandes religions occidentale, en reproduisant ainsi les mêmes effets. C’est-à-dire on retire la profondeur du message qui demande des années d’études, de cheminement dont le message ne peut être tout public. Non pas pour des raisons élitistes, mais pour des raisons de capacité. Imaginé que l’on donne un livre de mathématique niveau BAC +3 Scientifique à une personne qui n’a jamais fait de maths. Il y a de grande chance qu’elle n’ait pas (et je serais le premier dans ce cas) les capacités pour comprendre ce qu’il y aura écrit.

Pour les domaines spirituels, il y a un petit côté pervers en plus, que l’on retrouve aussi par exemple dans les ouvrages de psychologie. C’est que les termes techniques sont entrés pour certains dans le langage courant d’une manière vulgarisé voir différentes du terme scientifique ou technique (initié). Ce qui veut dire que l’on peut vite penser avoir compris un message et partir dans une mauvaise direction, là ou des ouvrages ou des termes n’ont pas été démocratisé. On se rend vite compte qu’on ne peut pas comprendre le fond du message avec nos connaissances actuelles.  Pour illustrer ce propos, un terme qui devient de plus en plus court dans ce domaine et celui de : Synchronicité. Je vous invite à regarder ce que Jung en disait (créateur de ce concept) qui est souvent bien différent, de celui donné dans des ouvrages tout public. Chaque petite nuance oubliée étant une profondeur et finesse du message perdu.

 

Il devient donc important de savoir différencier ce qui dépend d’un message exotérique : ce que c’est et ce qu’on peut attendre de ce genre de message, d’une voie ésotérique. Ce sont deux démarches, bien différentes qui apporteront deux résultats bien différents.

Remarque :

Une voie ésotérique ne se définit donc pas par le côté exercice ou mise en pratique, mais ni par la longueur d’une formation. Il peut y avoir un apprentissage d’une grande quantité d’informations, sans que cela soit un cheminement graduel. On peut faire une formation d’un an qui nous ouvrira sur différents sujets, mais chaque sujet pourrait être compris et travaillé le 1er jour de la formation. C’est donc plus la complexification, la profondeur, l’apport de nuance et non la quantité qui serra un indice. Il y a des voies ésotériques bouddhistes basées sur des Koans, la quantité est ici, des plus réduites.

Souvent les personnes qui ont lu de nombreux livres sur le bien-être, la méditation, qui ont suivi de nombreuses cures ou stages de développement personnel par les outils dits « spirituels » (Connexion avec ses guides, état modifié de conscience, chamanisme etc.), pensent qu’elles ont beaucoup œuvré sur elle-même. Cependant elles n’étaient pas forcément en connexion avec leur corps, leurs émotions et leur psyché. La guérison des souffrances de l’enfance et adultes ne sont donc pas comprises et guéries.

Ces voies peuvent alors être un comportement psychologique d’évitement, plus pour se rassurer sur leur cadre de croyances ou vision spirituelle plus qu’un chemin de remise en cause ce qui est déstabilisant.

La voie exotérique est une voie qui apporte un apaisement dans sa vie quotidienne. Elle peut être intellectuelle pour nourrir sa réflexion avec tous les ouvrages et conférences qui existent. Elle peut aussi être pratique avec différents exercices concrets pour ressentir et vivre en soi un changement qui pourra nous faire sortir de notre zone de confort. C’est une démarche où l’on retrouve toute la dynamique du développement personnel. C’est une forme de vulgarisation de la voie ésotérique.

La voie ésotérique, est d’une toute autre dynamique. Une voie spirituelle ésotérique est un chemin de connaissance qui lie obligatoirement savoir théorique et expérimentation pratique. Elle ne peut se faire seule (il y a un guide qui explique si on est ou pas sur la bonne route), elle apportera trouble et inconfort lorsque l’on remet en question nos idées pour approfondir la voie spirituelle. Elle serra plus ou moins dogmatique car elle présente un chemin existant, pour atteindre une forme de connaissance et ainsi devenir initié dans un domaine spécifique.

 

Et quoi qu’il en soi un travail de fond psychologique est toujours indispensable à une voie spirituelle exo ou ésotérique.