Penser le présent, pour construire l’avenir : une réflexion du changement

Si dans l’atmosphère ambiante, il semble difficile, de faire de la politique l’affaire de tous, par l’engouement fortement réduit qu’elle semble susciter, je ne pense pas que la majorité de la population soit dans une forme d’indifférence profonde face aux problématiques actuelles. Pour moi, L’indifférence ressentie, est principalement le reflet d’une sensation d’incapacité à agir refoulé du domaine possible. C’est parce que les personnes ne voient pas quoi faire et comment faire, qu’elles se détournent, non pas de ces questions, mais de l’angoisse que créer cette impuissance. 

Donnez de la puissance d’agir en lien avec une problématique qui raisonne dans l’être et la personne deviendra dynamique et active. Pourquoi une problématique qui raisonne dans l’être ? L’abstraction hors du principe de réalité de l’individu créé aussi de l’indifférence, car il ne se retrouve pas en prise avec la réalité vécue des personnes. Ce qui peut se traduire par exemple par le grand écart ressenti entre la population et les classes dirigeantes qui ont un discours bien loin des réalités expérimenté par la population. C’est donc face à ce sentiment d’impuissance et d’abandon que je propose 3 points d’accroche pour penser le changement. 

 

Pour pouvoir évoluer, il est important de voir la politique, non comme une direction vers une solution (l’époque d’une humanité affranchie), une fin de l’histoire, mais comme un processus dynamique en mutation constante.

1 : changer le monde commence par se changer soi-même.

La construction mentale que l’on se fait du monde, régit la totalité de nos actions, consciente et inconsciente, militante ou juste humaine. C’est en comprenant les barrières mentales qui nous ont amené là où nous sommes, que nous pourrons voir le monde différemment pour par la suite le faire évoluer. Cette partie commence tout de suite. Elle est longue, c’est un travail peu visuel, mais très important. Notre société fonctionne bien pour 2 grandes raisons. La première étant que la structure politique est devenue tellement complexe et lourde qu’elle se retrouve à avoir besoin plus de gestionnaire que de vision politique. Seulement, il y a aussi une autre raison, nous avons du mal aujourd’hui à concevoir la société hors du cadre qu’elle construit. 

Par exemple, de nombreuses personnes trouvent dangereuse la dérive sécuritaire allant vers une forme de big-brother, en voulant à tout pris le dernier smartphone, en racontant leurs dernières aventures sur un réseau social et créant ainsi eux même un big-data, qui avec certaines formules informatiques devient plus performant que n’importe quel big-brother et demandé en plus par la population, elle-même. Le but de cet exemple n’est pas de porter la faute sur un acte en particulier, sur un profil particulier, mais de montrer une dynamique intrinsèque à la société qui nous enchaîne à un cadre dont on voudrait, dans un autre domaine, pourtant sortir. Le but dans ce point ne serait donc, non pas de répondre à un tribunal populaire, mais de porter une réflexion à soi-même sur notre rapport au monde, la vision que l’on a de celui-ci et voir comment faire un pas de côté pour mieux concevoir des alternatives possibles pour soi et pour le monde.

Notre société nous pousse vers une forme d’individualisme, et d’utilitarisme à questionner de nos jours. Par exemple face à une vision individualiste prônant l’apport des différences. Pouvoir questionner « la différence » et sa place peut être intéressant. Elle est bonne lorsqu’il y a quand même un socle commun. Sans point commun pour stabiliser, c’est le réel qui s’effondre. Car si tout évolue constamment, alors qu’est-ce qui est ? Quelle fondation peut baser la construction en permanente évolution ? À force de prôner la différence tout le temps, que reste-t-il des valeurs collectives, du socle commun qui fait société ? 

 

2 : faire des actions locales pour recréer une société, un lien social entre nous à base d’entraide. 

La réalisation, la création immédiate entre petits groupes sur différente thématique devient de plus en plus urgente pour construire de nouvelles formes de résistance directe. Évidemment, il est toujours aussi indispensable de pouvoir aider les personnes qui se retrouvent exclues de la société, les sans : sans domicile fixe, sans travail, sans papiers, sans utilité sociale, etc. Cependant, lutter pour cela créer une nouvelle difficulté. Que l’on puisse militer pour posséder ce qu’offre le système renforce celui-ci, car ses principes apparaissent alors comme les seuls naturellement désirables. L’objectif est non plus de voir comment faire lien à côté ou de manière différente de la proposition d’un système uniformisant, mais de chercher à rentrer dans cette uniformité. Ce qui entraîne souvent le fait qu’une fois qu’un « sans » obtient ce qu’il désire, il cesse de lutter. Si les mouvements des “sans” débordent d’une position passive d’attente / demande, c’est parce que, grâce à leur seule existence, ils mettent le doigt sur un défaut majeur du système : son caractère non extensible à tous. Il faudrait donc qu’ils montrent qu’ils expérimentent au quotidien les frontières extérieures du système monde en montrant que ce qui nous est présenté comme “le monde” n’est qu’une dimension restreinte de la réalité.

Il faut ainsi créer une vie autre, plus désirables, face à une société des sacrifiés. Mettre en avant les alternatives qui se multiplient dans tous les domaines (agricole, éducation, construction, échange, consommation, etc) ouvrant le cadre imposé par le système pour ancrer, dans le corps des personnes qui y participent, une vision alternative possible. Le réel devenant modifiable est rejoint alors par des personnes qui se sentaient bloquées dans l’ancien cadre qui se retrouve obsolète. 

 

3 : repenser le monde de manière systémique et globale.

Comment ne plus avoir ces 1 % qui accaparent tout ? Cela demandera le plus de calme et de temps pour faire de longs débats collectivement en confrontant des opinions contraires pour construire des alternatives selon les situations. Cette partie peut ce sous-diviser en 2 parties. Le discours que l’on veut porter aux autres pour faire évoluer le monde et la compréhension de notre monde. Il est important de réussir à sortir du discours totalement idéologique basé sur une figure abstraite pour se confronter au réel. Le discours généralement proposé aux personnes qui n’agissent pas de la manière dont on l’attendrait de manière éthique pourrait se résumer à ceci : “au-delà de ton monde immédiat qui agit dans ta réalité directe, il y a un autre monde qui te propose de disparaitre, de ne plus être toi-même (pour devenir ce qui pour nous, nous semble plus éthique), pour bénéficier ensuite des avantages énormes de ce monde commun dans une réalité hypothétique dont on n’a pas d’emprise dans le présent.” Ce discours, tout constructif et argumenté soit-il, ne peut faire évoluer une personne en profondeur. Pour une raison simple, c’est qu’il ne se base pas sur le réel de la personne à qui l’on demande d’évoluer, mais sur des idéologies abstraites qui elles ont bien moins de réactions « immédiates » dans la vision de l’interlocuteur.

Pour cela, le retour au réel est tout aussi important que l’apport créatif et éthique d’alternatives possibles. Des tables de discussions, des assemblées populaires et autres outils de rencontre d’idée contraire, sont fondamentaux pour d’un côté pouvoir, faire, rencontrer des idées multiples et différentes sur chaque thématique, voir surgir leurs complexités, mais aussi porter des visions plus idéalistes qui rencontreront le réel des personnes qui vivent les problématiques sur le terrain. Lors de ces débats, la prise en compte des réalités est importante pour ne pas s’emporter dans une forme d’utopie, or du cadre des réalités qui ne construiraient dans le réel que dystopie mortifère. Pour cela, il peut être intéressant de différencier le possible du compossible (de Leibnitz). Le compossible est, ce qui est compatible avec la réalité en prenant en compte la dimension biologique et culturelle. En effet, un acte peut être possible en théorie, mais ne pas avoir lieu, n’ayant pas pris en compte certaines réalités matérielles, certaines capacités qui limitaient le possible.

 

Conclusion :

Bienvenue dans le 21e siècle. Un des grands problèmes de notre époque est le désir permanent d’avoir tout, tout de suite. Retrouver la patience et la réflexion, arriver à supprimer la frustration qui peut en découler, voilà un travail préliminaire indispensable. Nous, « client » de ce siècle, nous voulons un changement radical et surtout immédiat. 2 termes qui ne peuvent aller ensemble si l’on veut pour cela passer par une grande réflexion pour au moins comprendre non pas contre quoi on est en désaccord, (la majorité de la population occidentale est assez d’accord sur ces points, voir les indignés ou les gilets jaunes par exemple), mais ce qui a amené ce réel dans notre présent et vers quelles directions avenir pouvons-nous avancer ? Passé l’indignement, voir la révolte, il faut se poser et construire ensemble un nouveau système plus juste, et pour cela, il faut malheureusement du temps. Pour reprendre Camus, je dirais que la révolte est de passer du Je au nous, du non au oui, de la destitution à l’institution. Entre réel et imaginaire, trouvons l’enchantement de réaliser un joyeux chantier ensemble et collectivement. Ouvrons et changeons notre regard sur le cadre qui nous encercle. Un cadre est indispensable pour construire un avenir, mais le figer dans le marbre sera socialement toujours plus mortifère, qu’un cadre élastique qui accepte le réel dans sa vision idéologique. 

 

À lire en complément : 

Penser une théorie systémique co-révolutionnaire