À l’aube du XXe siècle, les avancées technologiques suscitent l’enthousiasme des penseurs du monde qui commencent à envisager un avenir cosmopolite brillant grâce à l’évolution de la pensée. Avenir de la disparition des maladies, diffusion de la culture. Les machines prendront en charge les tâches qui jusqu’à présent asservissent les populations. La Science trouvera des réponses à toutes nos interrogations, résoudra tous nos soucis… Cependant, l’évolution n’a pas été entièrement dans la direction que nous attendions. Ainsi, les transformations de nos sociétés, à la suite de l’explosion urbaine, de l’essor de la société technocratique, d’une crise politique, d’une explosion du pouvoir financier néolibéral, ou encore de la destruction de notre environnement, pour ne citer qu’eux,  nous contraignent à réinterroger la majorité de nos certitudes.

De nos jours, la notion de crise n’est pas suffisante pour expliquer le niveau de perturbations auxquelles nous sommes confrontés. Il ne s’agit pas seulement de multiples crises et d’interférences, mais de métamorphoses, c’est-à-dire de transformations structurelles et processuelles dans les différents niveaux d’organisation de la vie : philosophique, économique, politique aussi bien que culturelle. La démocratie c’est “L’organisation pacifique des désaccords violents au sein d’une société”. Si nous souhaitons conserver une démocratie dans le contexte actuel, il est nécessaire de penser et développer une vision qui place le monde qui nous entoure au même niveau que toutes les autres questions qui sont au cœur des débats politiques. Ce n’est pas d’alternatives dont nous avons besoin, mais de penser de façon alternative les alternatives existantes. Non pour libérer l’individu du pouvoir, mais pour se libérer du pouvoir de l’individu. La psychosociologie, en collaboration avec des disciplines telles que l’anthropologie ou l’épistémologie, se transforme en un réservoir « d’outils de perturbation intellectuelle », qui nous permettent de nous penser nous-mêmes et de concevoir l’avenir comme un vaste éventail de possibilités, plutôt que comme un chemin indéterminé vers le désastre. La démarche est d’offrir des contre-points à nos manières de faire et donner ainsi prise à la pensée critique sur des facettes de notre rapport au monde qui autrement passeraient inaperçues, diluées, dans l’habitude et l’évidence.

En effet, la crise écologique est la crise d’une culture qui a perdu le sens de la sacralité du monde. La vision matérialiste du monde a ouvert la voie à ce que le philosophe Max Weber a appelé le désenchantement du monde. Cette désacralisation de la nature s’accompagne d’une aliénation systémique de l’être humain avec le monde naturel. L’être humain s’est alors considéré comme le centre et la mesure de toute chose. En identifiant la liberté à l’émancipation par apport aux autres, à la société et la nature, en particulier grâce à la technique, l’être humain s’est de plus en plus “dé-naturé”, au point de devenir hors sol ; et de vivre dans un environnement lui-même hors sol, désincarné. La psychosociologie et l’anthropologie nous apportent la preuve que d’autres voies sont possibles pour nous assembler et régler nos vies que celles qui nous sont familières en Occident. Elles montrent que l’avenir n’est pas un prolongement automatique de l’actuel, mais qu’il est ouvert à tous les possibles pour peu que nous sachions les imaginer. Alors pour reprendre les mots d’Abdennour Bidar : Qui aura donc assez d’imagination pour ne pas se contenter seulement de prononcer notre condamnation ? Il faut avoir de l’espérance, mais avoir de l’espérance à partir du verbe espérer ; parce qu’il y a des gens qui espèrent du verbe attendre. Et espérer dans le verbe attendre n’est pas espérer, c’est attendre. L’espoir se lève, l’espoir se construit, l’espoir n’abandonne pas ! L’espoir, c’est d’avancer, l’espoir, c’est de s’unir aux autres pour faire les choses différemment.