La poésie serait une bien petite chose si elle n’était qu’une drogue douce qui permet de supporter un monde déshumanisé : La grandeur de la poésie est qu’elle est une médecine puissante qui permet de le réhumaniser.

 

Il est des façons sournoises de subir la vie, des manières subtiles de semer la souffrance et la solitude dans le lit des jours. Il y a aussi dans le langage un souffle secret, un scintillement invisible, accessible à la poésie et à la mystique. S’étonner, c’est rester suspendu au-dessus de l’abîme qui sépare le nom de la réalité, c’est toucher l’invisible sans le nommer. La poésie, les symboles, l’art et les spiritualités sont des sentinelles de ce regard éveillé, des passages pour sentir l’esprit des choses. Pour ceux qui sentent, qui perçoivent, au cœur de nos silences, la musique séditieuse d’un sentier mal voulu, je propose une symphonie alternative, une autre harmonique, subtilement pensée. Ce site n’est pas un sillage sûr, ne tend pas une main toute tracée vers des solutions simples, mais sert à semer des pistes, à susciter l’esprit social, à tisser des liens avec le monde et ses secrets.

Un artiste est celui qui sait sonder, scruter, sublimer la sensibilité ; celui qui saisit la douleur et la beauté, qui chante sans cesse la lumière malgré les déceptions. L’artiste, silhouette solitaire mais scintillante, se sert de son souffle pour sonder la nuit et le matin, pour sonder ses sentiments, ses émotions, pour sonder le monde entier à travers le prisme de l’intime. L’artiste est comme un souffle d’attente et d’émerveillement. Il suggère, sans imposer, propose, sans subjuguer ; il offre un miroir au monde plutôt que des vérités à avaler. Et peut-être, après des années de silence et d’attention, quelqu’un dira : « Comme il est sublime de contempler, de sentir, de savourer ces mots, cette mélodie, cette lumière. » Et dans ce moment, tout devient simple et total, comme un tournesol jaune qui ne demande rien et offre tout. Celui qui contemple, écoute, lit, s’immerge se transforme. Chaque œuvre devient un souffle partagé, recréé par le regard, la sensibilité, l’histoire, la culture de chacun. L’œuvre existe, mais chaque spectateur y fait surgir une nouvelle création, une récréation unique. Dans un monde pressé, consommant, jetant, les artistes semblent superflus, mais ils sont essentiels : sentinelles silencieuses, ils suscitent le dépassement, subvertissent les préjugés, éclairent l’obscurité par la splendeur de leur vie et de leur passion. La société contemporaine, saturée de science, de systèmes numériques, de structures techniques, appuie sur des boutons, scrutant la surface sans sonder la substance. Peu de personnes se suspendent à la splendeur d’un soleil couchant, laissant s’échapper les secondes dans l’émerveillement silencieux. Nous avons perdu ce souffle d’étonnement qui scintille dans les yeux des enfants : le simple glissement d’une balle, le souffle chaud d’un animal, le cube fragile dans la main. Pourtant, la matière, sous toutes ses formes, peut susciter l’art : dans la pierre, il est possible de tailler une magnifique statue ; dans du bois, de l’argile on peut y faire découvrir la beauté. Comprendre, connaître, découvrir et accepter le matériau de base est cependant obligatoire pour en faire émerger l’œuvre poétique. 

La vie peut retrouver sa subtilité, sa douceur, sa saveur, si nous savons sentir les germes d’enchantement que certaines sagesses ont semés dans le temps. Le monde saturé d’images violentes ou séduisantes nous submerge, mais il existe toujours un souffle discret qui suscite la contemplation, un rythme silencieux qui nous entraîne dans la danse entre légèreté et conscience. Habiter sa vie, c’est savoir sentir, suspendre le temps, savourer la mélodie des instants, danser sur le fil du quotidien, retrouver la beauté des gestes simples, du sourire échangé, de l’oiseau qui chante. Ces petites scènes, infiniment subtiles, sont les sources de l’enchantement véritable. Et si la vie se révèle pleinement dans le collectif, c’est parce que chaque rencontre, chaque geste partagé, chaque effort conjoint, suscite un souffle plus vaste, une symphonie sociale où le vivant s’éveille et se manifeste. L’engagement collectif sculpte les solidarités, stimule les sens et stimule la sagesse, donnant à chaque individu la saveur de la responsabilité et la splendeur de la coopération. Dans la simplicité d’un projet commun, dans la subtilité d’une action partagée, se révèle le mystère du vivant : un monde qui s’élève, s’entrelace et se soutient, où la société n’est plus une structure froide mais un espace sensible et vibrant, un écho des possibles, une célébration de ce qui survit et s’épanouit lorsqu’on s’unit. Ainsi, habiter le collectif, c’est apprendre à se relier sans se perdre, à sentir sans se dissoudre, à danser ensemble sur le fil de la vie, à savourer chaque instant comme une note dans la grande symphonie du monde, et à découvrir que la véritable poésie, celle qui révèle l’essence du vivant, s’écrit toujours dans l’élan partagé.

Ce site, laboratoire des sciences humaines, n’est pas un recueil poétique, mais il suscite la conscience, il sculpte le regard, il ouvre la fenêtre sur le commun, laissant la poésie s’y glisser, silencieuse mais présente. Rêves et mémoire, ailes et racines, tension entre passé et futur, nourrissent cette capacité à transformer le monde. Même si la plupart des rêves semblent utopiques, même s’ils demandent un long travail de discernement et de changement, il faut les garder, les semer. La vie est source de surprise, de souffle, de nouveauté : mémoire et rêves en tension, contemplation et action, espérance et créativité, tout se conjugue pour faire surgir un avenir désirable. Les rêves de chacun s’assemblent pour créer le possible ; la poésie de la vie naît de cette symphonie partagée.

Pour reprendre les propos de J.P. Pierreon dans Médite comme une montagne : Les arts sont des portes d’entrée. Ils ouvrent sur des univers invisibles qu’ils rendent visibles. Notre perception ordinaire des choses est amoindrie, anesthésiée par une activité qui se caricature en activisme (« je suis occupé ») ; par un souci d’efficacité qui se mue en accélération (« je suis pressé ») ; ou par une médiatisation de notre rapport au monde qui, avec nos écrans, fait écran, précisément, à notre incarnation sensible (« je suis lassé par toutes ces informations »). Avec les arts, nous nous rendons sensibles à nouveau à ce qui nous entoure. Ils nous introduisent à un espace où nous nous retrouvons en relation au monde. Alors sortons d’une logique instrumentale pour entrer dans une logique de relations, bon voyage poétique. 

 

 

 

Réflexion philosophie et poétique complémentaire : 

 

Quand le monde chancelle et que l’homme s’éteint,
La poésie surgit, flambeau entre les mains.
Elle n’est pas refuge, ni rêve en robe pâle,
Mais levain de révolte d’un fond archétypal.

Par-delà les discours, les dogmes, les glaives,
Elle trace un chemin dans la chair de nos rêves.
C’est le cri des sans-voix, l’orage des silences,
Le feu doux du cœur nu contre l’indifférence.

Le poème est rebelle, il renverse les rois,
Non par le fer tranchant, mais par l’éclat des voix.
Chaque vers est un choc, une graine en furie
Qui germe dans la nuit et déchire l’oubli.

Il n’est de révolution sans souffle intérieur,
Sans larmes partagées, sans l’éveil des meilleurs.
Et c’est là que le chant devient insurrection,
Quand il porte en son sein l’humaine compassion.

Le poète est debout, solitaire et multiple,
Portant l’universel dans une rime simple.
Il parle à l’ennemi sans brandir de fusil,
Mais d’un mot incandescent qui désarme et qui lie.

Poésie, sœur du juste, amante de la flamme,
Tu traverses le temps, tu façonnes les âmes.
Par toi, le cœur se dresse et refuse de plier,
Car aimer est un acte, qui permet de relier.