Au début du 20e siècle, les nouvelles découvertes technologiques enthousiasment les penseurs du monde qui commencent à imaginer un avenir radieux, fin d’une époque obscure, grâce à l’avancée de la raison. Disparition future des maladies, meilleur contrôle de la nature, démocratisation de la culture. Les machines se chargeront des travaux qui jusqu’ici asservissent les peuples. La Science répondra à toutes nos questions, résoudra tous nos problèmes… On en vint ainsi à oublier certaines notions fondamentales dont une particulière : l’imprévu. A force d’idéaliser un monde lumineux, et de tenter de remplir les trous structurant la société grâce à ces nombreuses avancées, on en oublia l’essentiel. On laissa de côté le réel, fait d’organique, de passion, d’accident, de cet autre incontrôlable. Petit à petit, ces faits commencèrent à refaire surface, entraînant une mutation dans la civilisation occidentale.
Ainsi, les transformations de nos sociétés, suite au développement des techno-sciences, à l’explosion urbaine, à l’essor du néolibéralisme, à une crise du politique et une modernité fleurissante, pour ne citer qu’eux, nous contraignent à réinterroger la majorité de nos certitudes. Aujourd’hui, les concepts de crise et de malaise (dans la civilisation) sont insuffisants pour rendre compte du niveau de bouleversements auxquels nous avons affaire. Ce qui arrive et se prépare depuis quelques décennies comme le souligne R. Kaës, est d’une autre échelle, d’une autre consistance que les crises qui déjà ont ponctué l’histoire de l’humanité. Et il n’est ni juste ni rassurant de dire que tout ce qui arrive est déjà arrivé. Nous ne sommes pas seulement confrontés à des crises multiples et interférentes, mais à des mutations, c’est à dire à des changements structuraux et processuels dans les divers niveaux d’organisation de la vie : psychique, sociale, économique, culturelle.