Si la poétique aspire, en toute délicatesse, à valoriser le rythme, l’harmonie, les images, alors notre vie ne pourrait-elle, en sagesse, devenir poésie, dans son doux voyage ? Il est des façons viles de consommer la vie, qui portent souvent peine et souffrance en leur lit. Pour ceux qui ressentent ou perçoivent en nous, la musique envoûtante d’un sentier mal voulu, je propose une autre harmonique pensée. Mais ce site n’est point pour guider d’une main sûre, vers une solution déjà toute tracée, seulement pour offrir des pistes et ouvrir, notre pensée sociale, au monde à tisser.

 

Notre vie peut retrouver une subtilité dans la douceur de l’existence qui porte en elle les germes de l’enchantement calme que certaines sagesses ont voulu porter à des époques données. Nous sommes envahis à chaque instant d’images plus ou moins fortes pour attirer notre attention oubliant la délicatesse qu’un enfant pourrait poser sur la découverte de l’inconnu. La puissance de l’image n’est pas dans son caractère, dans son explosion d’émotions que celle-ci peut nous porter, mais dans son authenticité qui nous entraîne dans son geste habité. Habiter sa vie est une question de rythme. Entre la légèreté de vivre et la conscience déposée sur l’existant, j’apprends à danser sur une raisonnable profondeur de mon rapport au monde et à la mélodie de la vie. Celle-ci peut parfois s’envoler plein de passions tel un tango, mais l’important est de retrouver la beauté du classique qui nous entoure. Ainsi nous apprenons à partir à la dérive, un regard posé sur cette scène de vie qui nous éblouit, qui dépeint un tableau ordinaire, et qui nous offre cet instant de contentement, ce sourire qui se déposera quelques instants sur notre visage, alors offert au passant qui l’emportera et l’offrira à son tour. Ces petits quotidiens qui ne sont rien, mais qui font tout. Retrouver la puissance de l’enchantement non pas dans le dernier bibelot à la mode, mais dans le prochain oiseau qui chantera une ode.

 

Alors oui, notre monde peut apporter à notre quotidien, de la frustration, de la peur, du stress et de la souffrance, mais pour autant nous pouvons y puiser la nourriture pour fortifier notre être. De tout matériau, on peut extraire une œuvre d’art. Dans la pierre, il est possible de tailler une magnifique statue ; dans du bois, de l’argile on peut y faire découvrir la beauté. Comprendre, connaître, découvrir et accepter le matériau de base est cependant obligatoire pour en faire émerger l’œuvre poétique.

Effectivement, ce site de sciences humaines qui tente de faire rencontrer la philosophie, la psychologie, parfois l’anthropologie, n’est pas un recueil de poésie. Mais le monde qui se dessine entre ces lignes, porte une conscience de notre société, une conscience de notre façon d’être, une fenêtre sur le commun, qui pourra, elle, être poétique. Pour reprendre les propos de J.P. Pierreon dans Médite comme une montagne : Les arts sont des portes d’entrée. Ils ouvrent sur des univers invisibles qu’ils rendent visibles. Notre perception ordinaire des choses est amoindrie, anesthésiée par une activité qui se caricature en activisme (“je suis occupé”) ; par un souci d’efficacité qui se mue en accélération (“je suis pressé”) ; ou par une médiatisation de notre rapport au monde qui, avec nos écrans, fait écran, précisément, à notre incarnation sensible (“je suis lassé par toutes ces informations”). Avec les arts, nous nous rendons sensibles à nouveau à ce qui nous entoure. Ils nous introduisent à un espace où nous nous retrouvons en relation au monde. Alors sortons d’une logique instrumentale pour entrer dans une logique de relations, bon voyage poétique. 

 

Réflexion philosophie et poétique complémentaire : 

 

Pour finir ces propos, je vais reprendre les mots d’un professeur, vulgarisateur, et auteur, un dénommé Redek qui a su exprimer, la volonté d’une belle pensée : 

Imaginer que la philosophie c’est de la spéculation pure, de la pensée sans y penser, c’est lourdement se tromper. Philosopher c’est au contraire arrêter de procrastiner l’intelligence et s’y coller, enfin un instant.

J’aimerais lever le voile sur des supercheries qui signent la mort de l’esprit. “Mais après tout…” Mais après tout, est-ce que le barbare ce n’est pas celui qui croit à la barbarie ? Un couvercle de plomb surmonté d’un petit four s’est juché sur la pensée. Elle suffoque. La discussion est coupée nette par ces phrases qui sonnent comme des arguments d’autorité. C’est le pouvoir meurtrier de la question rhétorique qui montre que Tristan a bien suivi pendant le cours de philo de monsieur Redondon en terminale, mais qui en imposant une vérité générale fait apparaître tout contre exemple comme un tatillonnage de mauvais aloi.

Et vient l’inénarrable :”Bof, non mais moi, en tant que scientifique, je ne juge pas, je décris.” Qu’un sociologue, en armes tout bardé de ces fameuses lunettes de sociologues, rechigne à spéculer sur la légitimité selon lui de certaines pratiques, qu’il s’acharne tant bien que mal à mettre son jugement moral de côté, tant mieux ! Il est pertinent et même nécessaire que dans le cadre de sciences descriptives, on se refuse à faire entrer des dilemmes moraux. Mais rien n’interdit aux scientifiques, une fois qu’il est sorti du labo ou de la bibliothèque et qu’il a ôté ses proverbiales lunettes de scientifiques, de s’interroger méticuleusement sur les notions que n’aborde pas sa science.

Une approche nous empêche de nous demander sérieusement si toute vérité mérite d’être dite ? Laissons-la de côté, pour une autre tout aussi méticuleuse mais qui permet d’interroger plus personnellement les concepts en jeu. Finalement, un problème grave des a priori sur la philosophie, c’est qu’ils nous interdisent de penser les questions vraiment sérieuses Amour, amitié, travail, politique, ces questions y apparaissent sur un piédestal, intouchables ou ridiculisées à coup de questions rhétoriques à moitié ironique, ces a priori sont peut-être nourris par les préjugés que l’on a avant même de découvrir cette matière au lycée.

Non. La philosophie n’est pas là que pour poser les bonnes questions, elle apporte 1000 pistes de réponses à peser et soupeser et à creuser ensemble et nous permet vraiment d’apprendre à vivre. Prendre avec dérision ces questions, c’est se condamner à être guidé par des mécanismes qui entraveront un jour ou l’autre notre liberté lors de choix cruciaux. Amour, amitié, travail, politique. Bien qu’elles évoquent les promesses d’un marabout de boîtes aux lettres, les questions que propose de résoudre la philosophie ont été prises au sérieux depuis des siècles à nous de nous y engager dès que le contexte le permet.