L’inquiétant retrait du rationalisme face à l’expérience subjective

Dans les sciences humaines contemporaines, un mouvement de fond, discret mais tenace, remet en question la suprématie d’une conception purement rationaliste du savoir : l’idée que la raison formelle, l’objectivité mesurable et les procédures déductives suffisent à rendre compte du réel humain. Ce retrait du « tout-rationaliste » ne consiste pas en un rejet naïf de la méthode scientifique ; il s’agit plutôt d’une critique sophistiquée qui replace l’expérience subjective, le corps, l’émotion, et les rapports de pouvoir épistémiques au cœur de ce que signifie « connaître ».

 

 

Éloge du doute : entre lucidité créatrice et piège de la suspicion

Le doute, longtemps compagnon des sages et des chercheurs, n’est pas une fissure dans l’édifice de la raison : il en est la respiration. Il fait circuler l’air dans les certitudes trop bien fermées, délasse l’esprit de ses prétentions, ouvre des fenêtres, parfois des brèches. En lui, rien de servile ni de défaitiste : il avance comme un funambule sur un fil tendu entre le réel et l’inconnu, faisant de l’incertitude un espace de création.

 

Le doute : une ouverture

Douter, c’est reconnaître que la vérité n’est pas un objet figé, mais une conversation en cours. C’est la modestie féconde de l’intelligence, celle qui évite d’adhérer trop vite, de juger trop fort, de rejeter trop vite. Le doute authentique interroge : il ne nie pas, il n’attaque pas. Il cherche, patiemment, comme si chaque hypothèse était un jardin que l’on cultive avant de savoir s’il portera fruit. Il est une posture éthique autant que logique. Douter, c’est accepter de se décentrer, de se soumettre à la résistance du réel, à l’épaisseur du monde. Socrate en faisait un exercice de liberté, Montaigne y voyait un art de vivre, la science contemporaine en a fait un principe épistémologique : l’incertitude n’est pas le symptôme de l’ignorance, mais la condition de tout savoir rigoureux. Le doute n’ébranle pas le lien social : il l’assainit. Il ne détruit pas nos convictions : il les affranchit de la cruauté des dogmes.

 

La suspicion : une fermeture

La suspicion, en revanche, n’est pas une ouverture mais une fermeture hermétique. Elle ne questionne pas pour comprendre, elle guette pour accuser. Là où le doute travaille avec curiosité, la suspicion opère avec méfiance. Elle n’admet pas que le monde puisse nous surprendre : elle présuppose que tout nous trompe. Elle n’est pas un chemin vers la connaissance, mais une stratégie de défense. Elle engendre paranoïa, complotisme, isolement. Elle croit qu’elle dévoile, alors qu’elle ne fait que projeter. La suspicion n’est pas un pas prudent en avant, mais un repli, une forteresse intérieure qui transforme autrui en menace potentielle. Elle ne cherche plus la vérité ; elle veut confirmer sa peur. Là où le doute ouvre un espace de dialogue, la suspicion installe la défiance. Là où le doute est lent, méthodique, la suspicion est rapide, impulsive, avide d’interprétations cachées. La première libère, la seconde emprisonne.

 

Entre les deux : une responsabilité

L’époque actuelle, saturée d’informations, nous oblige à apprendre le style du doute. Sans lui, nous serions les proies faciles de la manipulation ; avec trop de suspicion, nous deviendrions nos propres geôliers. Il nous faut donc apprendre l’art de discerner : accepter de ne pas savoir immédiatement, sans pour autant réduire le monde à une mascarade permanente. Douter avec rigueur, c’est prendre le temps de vérifier, interroger les sources, confronter les interprétations, reconnaître la complexité des faits. C’est aussi accepter d’être vulnérables au réel, à ses surprises, à sa pluralité. Savoir douter, c’est s’exposer à la vérité au lieu de s’en barricader.

 

Vers une éthique du doute créateur

Il nous faudrait réhabiliter un doute tendre, exigeant, poétique même. Un doute qui écoute avant de trancher, qui se méfie de sa propre arrogance avant d’accuser celle des autres. Un doute qui n’a pas peur d’explorer, qui prend soin de ce qu’il ignore, qui préfère l’éclosion à la prédation. Dans un monde pressé de conclure, le doute devient une forme de courage. Un choix de maturité. Une manière de demeurer en marche, plutôt que de s’arrêter dans des certitudes trop commodes ou des suspicions trop corrosives. Éloge du doute, donc non comme renoncement, mais comme art de respirer, penser et vivre plus librement. Parce qu’en ouvrant la question, nous ouvrons aussi l’avenir. Et l’avenir, malgré ses brumes, n’est jamais avare de lumière.

 

 

Quand la frontière vacille : repenser la distinction entre faits, opinions et croyances

Il est devenu courant d’invoquer, avec la certitude tranquille du sens commun, l’opposition nette entre « les faits » et « les opinions ». Cette dichotomie, souvent brandie comme un geste d’assainissement intellectuel, se révèle pourtant fragile dès qu’on l’examine avec l’outillage de l’épistémologie. À mesure que l’on s’y attarde, la ligne qu’elle prétend tracer se brouille, puis s’efface, laissant apparaître une cartographie plus subtile de nos manières de croire.

 

Croyance, vérité, opinion : les premières pierres

Toute croyance est un état mental par lequel un sujet tient un énoncé pour vrai. Croire que la Terre est ronde, c’est accorder à la proposition « la Terre est ronde » une valeur de vérité. La vérité, dans la perspective classique, se définit comme correspondance : un énoncé est vrai s’il décrit adéquatement la réalité.

Quant au terme « opinion », son usage fluctue. Il désigne parfois une croyance dépourvue de justification, un énoncé tenu pour vrai sans preuve adéquate. D’autres fois, on l’emploie pour désigner une croyance située dans le registre du subjectif, c’est-à-dire portant sur des états internes tels que nos émotions ou nos désirs.

 

Non pas “faits contre opinions”, mais une typologie des croyances

Plutôt que de reconduire la vieille opposition, il est plus pertinent de distinguer plusieurs dimensions de nos croyances :

  1. Croyances vraies et croyances fausses.
    Une croyance peut accidentellement être vraie sans justification — par simple chance. Ainsi, affirmer au hasard que le nombre de grains de sable terrestres est pair produit peut-être une croyance vraie, mais injustifiée.
  2. Croyances objectives et croyances subjectives.
    Les premières portent sur des états du monde indépendants de nos attitudes mentales ; les secondes portent sur nos propres états affectifs ou motivationnels. Les unes comme les autres peuvent être vraies ou fausses, selon qu’elles correspondent ou non aux faits qu’elles entendent décrire — objectifs pour les premières, subjectifs pour les secondes.
  3. Croyances justifiées et croyances non justifiées.
    La justification repose sur des raisons adéquates. Une croyance subjective, loin d’être par essence immotivée, peut tout à fait être rigoureusement justifiée, par introspection ou par inférence solide (par exemple, reconnaître sa propre colère). À l’inverse, une croyance objective peut être dépourvue de preuves.
    De plus, la justification n’est jamais une garantie absolue de vérité : l’histoire des sciences regorge de croyances jadis parfaitement étayées et que de nouvelles découvertes ont finalement démenties.

Ainsi, lorsque quelqu’un affirme « ce n’est pas une opinion, c’est un fait », ce qu’il cherche souvent à exprimer est soit que la croyance relève d’un fait objectif plutôt que subjectif, soit qu’elle est soutenue par une justification robuste. La formulation habituelle masque donc une richesse conceptuelle plus grande.

 

Entre faits et valeurs : la morale est-elle vraiment “subjective” ?

La distinction classique entre faits et valeurs entraîne un glissement fréquent : celui qui associe, sans toujours l’expliciter, objectivité aux preuves et subjectivité à la morale. Dire « il est immoral de crever les yeux des enfants pour s’amuser » relèverait ainsi d’un registre interne, émotionnel ; tandis qu’affirmer « il est démontré que la Terre est ronde » appartiendrait aux faits incontestables du monde. Or cette répartition est loin d’être évidente.

 

Première difficulté : la morale comme simple subjectivité ?

Un examen attentif montre que la thèse du subjectivisme moral est beaucoup moins solide qu’il n’y paraît. La question du statut ontologique des valeurs, que celles-ci soient dépendantes de nos attitudes ou non, demeure l’un des enjeux centraux de la philosophie morale contemporaine. La réduire à une “affaire de sentiments” revient à évacuer toute possibilité d’argumentation normative, alors même que nos pratiques morales s’y prêtent constamment.

 

Deuxième difficulté : et si la “preuve” n’était pas si objective qu’on le dit ?

Même si l’on concédait un instant que la morale est subjective, une question brûlante apparaît : le statut des preuves, au sens de raisons épistémiques justifiant une croyance, est-il réellement objectif ? Les faits qui servent de preuves sont, en général, objectifs. Mais la propriété « être une preuve » l’est-elle ? En d’autres termes : qu’est-ce qui fait qu’un fait compte comme une raison valable pour une croyance ?

Une expérience scientifique, pour la communauté savante, constitue une preuve en faveur d’une théorie. Mais certaines traditions religieuses considèrent la Bible comme probante pour d’autres types d’énoncés. Dans les deux cas, le fait mobilisé est objectif, un résultat expérimental, un texte écrit, mais l’attribution du statut de preuve dépend d’un cadre normatif, d’un système de raisons, d’une conception du monde. Si l’on admet que cette attribution dépend, ne serait-ce que partiellement, de nos pratiques, alors la preuve possède peut-être une dimension subjective comparable à celle qu’on attribue trop vite à la morale.

 

vers une écologie plus fine de nos croyances

Plutôt que de reconduire des oppositions simplistes, faits contre opinions, objectivité contre subjectivité, preuves contre valeurs, il semble plus fécond de reconnaître la pluralité des registres de croyances qui composent notre rapport au monde.

Une pensée tournée vers l’avenir appelle une théorie plus nuancée, capable de suivre les mouvements réels de nos pratiques cognitives et morales. Non pour tout relativiser, mais pour mieux comprendre comment, à chaque époque, nous tissons ensemble nos raisons, nos émotions, nos intuitions et nos preuves. Dans cette complexité, loin d’un brouillard paralysant, se dessine une cartographie plus riche et peut-être plus fidèle de ce que signifie croire, savoir, juger et agir dans un monde où les frontières ne sont jamais aussi nettes qu’on voudrait le croire.

 

 

Ce que disent aujourd’hui les sciences humaines : la critique du rationalisme n’est pas anti-science

Deux lignes de recherche convergent pour nuancer le rationalisme classique. D’une part, la phénoménologie et les courants dits « enactivistes » soulignent que la cognition n’est pas un calcul symbolique détaché du corps : percevoir, sentir, agir constituent la mise en monde même par laquelle apparaissent les « données » dont la science prétend rendre compte. L’approche enactivist montre que l’expérience subjective est constitutive des processus cognitifs, elle n’est pas une épaisseur optionnelle à ajouter après coup. Encyclopédie de Philosophie de Stanford

D’autre part, des penseurs des sciences sociales (Bruno Latour, Isabelle Stengers et leurs héritiers) interrogent la manière dont la « science » s’est historiquement constituée comme autorité : ils ne diabolisent pas la recherche rigoureuse, mais ils pointent les conditions sociales, politiques et pratiques qui entourent la production de vérité. Ces travaux rappellent que l’objectivité est toujours située et qu’ignorer la dimension normative et institutionnelle du savoir conduit à des aveuglements méthodologiques. Voix Déterres+1

 

Pourquoi ce retournement inquiète : trois effets pervers

  1. a) La fragmentation des critères de vérité

Quand l’expérience subjective (témoignages, vécus, émotions) gagne en légitimité épistémique sans dispositifs clairs de vérification partagée, les communautés peuvent développer des « critères de vérité » hétérogènes. À l’échelle sociale, cela transforme l’espace public : attentes requièrent désormais que ce qui « semble vrai » pour un groupe ait la même valeur que des enquêtes rigoureuses. Le résultat : affaiblissement des mécanismes collectifs de controverse et fragilisation du contrôle critique.

  1. b) Renforcement des biais cognitifs quand la méthodologie se retire

Les sciences cognitives ont montré que les jugements humains sont structurés par des heuristiques et des biais, ancrage, disponibilité, biais de confirmation… qui ne disparaissent pas parce qu’on « écoute davantage l’expérience ». Au contraire, sans procédures méthodologiques pour corriger ces biais, l’appel à l’expérience peut amplifier des croyances erronées et rendre plus efficace la persuasion émotionnelle. Daniel Kahneman et ses travaux sur les deux systèmes de pensée rappellent que l’intuition (rapide, affective) domine souvent l’analyse délibérative ; lui retirer des garde-fous, c’est accroître la vulnérabilité aux erreurs systématiques. Wikipédia

  1. c) Opportunités accrues pour la manipulation sociale

Les technologies numériques exploitent la primauté de l’émotion et des récits : contenus viraux, micro-ciblage, design des plateformes exploitent exactement ces biais (ancrage, capitalisation sur la disponibilité heuristique). Si la société valorise l’« expérience vécue » comme critère épistémique premier sans renforcer simultanément des institutions et des compétences critiques, elle facilite la propagation d’idées manipulatoires présentées comme « authentiques ». Les recherches récentes sur l’injustice épistémique dans l’espace numérique montrent que les plateformes peuvent reproduire et amplifier des silences et des déformations du témoignage, au prix d’une polarisation et d’une perte de fiabilité collective. ResearchGate+1

 

 Une tension fondamentale : émotion vs raison (faux dilemme)

Il est tentant de dresser émotion et raison en adversaires : le retrait du rationalisme serait une victoire de l’affect, la science la forteresse de la raison. Mais les neurosciences et la philosophie cognitive montrent un autre portrait : émotions et sensations sont souvent les conditions mêmes de la décision rationnelle. António Damasio a montré que la séparation stricte entre raison et émotion est une fausse piste, la capacité à raisonner dépend d’un ancrage affectif et corporel. Le défi contemporain est donc de concevoir des pratiques de savoir qui intègrent la subjectivité sans sacrifier les procédures de vérification et de critique. ahandfulofleaves.files.wordpress.com

Conséquences concrètes (exemples)

  • En santé mentale : valoriser le « vécu » des patients est indispensable mais si l’on abolit les méthodes systématiques d’évaluation, on risque des traitements moins efficaces ou des croyances thérapeutiques non fondées.
  • Dans les débats publics (santé, climat, technologies) : la conjonction d’un discours « expérientiel » puissant et d’une audience polarisée rend la correction factuelle plus difficile.
  • Dans l’éducation : enseigner la compétence critique devient prioritaire pour que l’appel à l’expérience soit évalué et mis en relation avec des preuves et des méthodes.

 

Que faire ? Trois pistes heuristiques pour sortir du dilemme

  1. Institutionnaliser des médiations critiques : créer des dispositifs qui évaluent et articule témoignages et méthodes, comités mixtes, espaces délibératifs, revues participatives où le vécu est considéré mais soumis à validation critique collective.
  2. Former à l’épistémologie pratique : enseigner, dès le secondaire, non seulement la méthode scientifique, mais aussi les heuristiques cognitives, la rhétorique persuasive et les mécanismes des plateformes numériques. L’objectif : rendre les citoyens moins « capturables » par des récits séduisants mais infondés.
  3. Promouvoir des méthodologies hybrides : combiner enquêtes qualitatives (récits, ethnographie) et approches quantitatives, avec protocole de triangulation explicite. Les approches enactivistes elles-mêmes invitent à des méthodologies qui respectent l’épaisseur phénoménologique tout en restant falsifiables et réflexives. Encyclopédie de Philosophie de Stanford+1

 

 

Conclusion : pour un humanisme critique à hauteur de monde

Ce parcours à travers les failles du rationalisme, les vertus du doute, la délicate écologie des croyances et les tensions contemporaines autour de l’expérience subjective nous conduit à une évidence : le savoir humain n’avance jamais en ligne droite. Il oscille, respire, se corrige. Il hésite, trébuche, se relève, et trouve parfois dans ses propres faiblesses l’énergie de s’affiner.

Ce que montrent les sciences humaines d’aujourd’hui, au-delà des polémiques de surface, c’est la nécessité d’une épistémologie plus humble et plus généreuse, capable de tenir ensemble la rigueur critique et la reconnaissance du vécu. Un savoir moins impérial que relationnel ; moins dogmatique que dialogique ; moins sûr de lui, peut-être, mais plus sûr du monde parce qu’il accepte d’en entendre l’épaisseur. Le retrait du rationalisme classique ne signe pas la fin de la raison, seulement la fin de son règne solitaire. L’expérience subjective, réhabilitée, n’est pas là pour renverser la science, mais pour lui rappeler les conditions incarnées de toute connaissance : un corps, un contexte, un langage, des institutions, des affects. À l’inverse, la célébration naïve du vécu ne saurait se substituer aux exigences du contrôle critique, sous peine de livrer nos esprits aux griffes des biais et des ingénieries de la persuasion.

Entre ces deux pôles, le doute apparaît comme un fil d’Ariane : non pas ce doute corrosif qui soupçonne tout, mais celui qui interroge avec lenteur, qui écoute avant de conclure, qui sait que la vérité se forme moins dans la certitude que dans la confrontation patiente entre nos perspectives. Car la crise que nous traversons est peut-être d’abord une crise des médiations : trop d’informations, pas assez de filtres fiables ; trop d’expériences invoquées, pas assez de méthodes pour les articuler ; trop d’émotions sollicitées, pas assez d’éducation critique pour en faire des alliées plutôt que des pièges. La défiance s’enracine là où les institutions de la preuve vacillent et où la suspicion prospère faute de cadres partagés.

Face à cette situation, une voie se dessine : celle d’une culture du discernement, d’une pédagogie des limites et des liens. Elle implique de reconnaître que la raison n’est jamais pure, que l’émotion n’est jamais illégitime, que le savoir ne se construit qu’en traversant leurs entrelacs. Elle exige des institutions capables de tisser les récits et les données, le témoignage et la vérification, la subjectivité et le contrôle critique. Mais surtout, elle invite à une forme d’espérance lucide : croire qu’un espace public moins polarisé est possible, que l’éducation peut redevenir un apprentissage de la complexité, que nos démocraties peuvent articuler l’expérience vécue et les exigences de la vérité. Dans un monde fragmenté, réhabiliter le doute créateur, renouveler nos méthodologies et renforcer nos médiations critiques ne relèvent pas d’un luxe intellectuel : ce sont des conditions de survie collective. Et peut-être aussi des chemins d’émancipation.

Car là où la suspicion referme, le doute ouvre. Là où les récits manipulatoires obscurcissent, une épistémologie partagée éclaire. Là où la raison s’isole, une pensée en dialogue respire. Si l’avenir demeure incertain, il n’est pas condamné au brouillard. À condition de cultiver, ensemble, cette alliance subtile entre lucidité et confiance, entre vigilance et ouverture, entre savoirs institués et expérience vécue. Le réel n’a jamais cessé de nous résister. À nous, désormais, d’apprendre à lui répondre avec plus de justesse et peut-être aussi, parfois, avec un peu de grâce.

 

 

Bibliographie pour approfondir

 

Épistémologie critique du rationalisme

  • Bachelard, Gaston. La formation de l’esprit scientifique.
  • Latour, Bruno. Nous n’avons jamais été modernes.
  • Despret, Vinciane. Que diraient les animaux si…?

 

Doute, croyance, justification : philosophie du savoir

  • Descartes, René. Méditations métaphysiques.
  • William James. La volonté de croire.
  • Chisholm, Roderick. Théorie de la connaissance.

 

Épistémologie des croyances, faits, valeurs

  • Putnam, Hilary. Fait/valeur : la fin d’un dogme.
  • Laugier, Sandra. Pourquoi désobéir en démocratie ?
  • Ricœur, Paul. Soi-même comme un autre.

 

Phénoménologie, cognition incarnée et enactivisme

  • Merleau-Ponty, Maurice. Phénoménologie de la perception
  • Varela, Francisco. L’inscription corporelle de l’esprit
  • Gallagher, Shaun & Zahavi, Dan. La phénoménologie.

 

Sociologie des sciences, objectivité située, institutions de la preuve

  • Latour, Bruno. La science en action.
  • Haraway, Donna. Savoirs situés.
  • Fricker, Miranda. L’injustice épistémique
  • Boltanski, Luc. De la critique.

 

Biais cognitifs, émotions et raison

  • Kahneman, Daniel. Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée.
  • Damasio, António. L’erreur de Descartes.

 

Numérique, manipulation, récits et paranoïa sociale

  • Chiapello, Ève & Boltanski, Luc. Le nouvel esprit du capitalisme.
  • Rouvroy, Antoinette & Berns, Thomas. Gouvernementalité algorithmique.

Pour articuler doute, lucidité et responsabilité sociale

  • Arendt, Hannah. Vérité et politique, dans La Crise de la culture.
  • Canguilhem, Georges. Le normal et le pathologique.
  • Illich, Ivan. Némésis médicale.