La poésie serait une bien petite chose si elle n’était qu’une drogue douce qui permet de supporter un monde déshumanisé : La grandeur de la poésie est qu’elle est une médecine puissante qui permet de le réhumaniser.
Il est des façons viles de consommer la vie, qui portent souvent peine et souffrance en leur lit. Pour ceux qui ressentent ou perçoivent en nous, la musique envoûtante d’un sentier mal voulu, je propose une autre harmonique pensée. Mais ce site n’est point pour guider d’une main sûre, vers une solution déjà toute tracée, seulement pour offrir des pistes et ouvrir, notre pensée sociale, au monde à tisser.
Un artiste est quelqu’un qui a la sensibilité de « voir » et de contempler avec cette sensibilité la vie et sa douleur, ou – au-delà de toute déception – de continuer à chanter la beauté. Un artiste est celui qui met continuellement le monde au défi de plonger dans l’intimité, de penser la nuit ou le matin, de se rendre compte qu’il y a quelque chose de plus que ce qui est vu ou touché, le met au défi d’approfondir et d’entrer en contact avec ses propres sentiments. , les émotions… Un artiste est comme le samedi dans une ville qui n’arrive jamais au dimanche ; C’est comme le réveillon de Noël… on attend toujours quelque chose de grand. Et elle propose, elle continue toujours à proposer, à suggérer, sans donner de vérités à accepter comme le fait la science. Peut-être qu’après de nombreuses années, quelqu’un dira : comme c’est beau de contempler cela, ou d’écouter cette mélodie, ou de lire ces mots que j’ai toujours envie de relire, ou de rester enchanté pendant une heure devant un tableau avec un tournesol jaune et rien d’autre, mais tout est là ! De plus, celui qui contemple une œuvre d’art, celui qui écoute de la musique, lit ou écoute un poème, devient co-créateur. L’œuvre est recréée par chacun selon sa propre sensibilité, son histoire, sa culture. L’œuvre est là, elle a été créée par l’artiste, mais une fois qu’on la contemple, on ne voit pas, on n’entend pas, on ne lit pas, on ne ressent pas la même chose… en chacun une nouvelle création ou la récréation a lieu. Les artistes semblent inutiles dans le monde d’aujourd’hui qui court, achète, consomme et jette rapidement, mais les artistes nous mettent au défi d’aller plus loin. Ils se consacrent à ce qu’ils aiment, en transcendant les préjugés et les « bons conseils » ; leur vie est un phare qui éclaire l’obscurité et la confusion actuelle.
La société contemporaine, mue par la raison technique, scientifique, par le langage numérique, appuie presque automatiquement sur des boutons, voulant englober toute la réalité mais sans la comprendre ; peu reste absorbé à contempler un coucher de soleil de feu sans compter les minutes qui passent. Il reste dans « l’extérieur » du nom, mais n’atteint pas l’esprit des choses. Nous avons perdu notre capacité d’émerveillement. Cette fascination que l’on constate chez les jeunes enfants lorsqu’ils voient une balle rouler, regardent un animal domestique ou touchent un cube de papier avec leurs petites mains. Dans leurs yeux émerveillés, on découvre l’étonnement qu’ils ressentent et qu’ils nous transmettent. Alors oui, notre monde peut apporter à notre quotidien, de la frustration, de la peur, du stress et de la souffrance, mais pour autant nous pouvons y puiser la nourriture pour fortifier notre être. De tout matériau, on peut extraire une œuvre d’art. Dans la pierre, il est possible de tailler une magnifique statue ; dans du bois, de l’argile on peut y faire découvrir la beauté. Comprendre, connaître, découvrir et accepter le matériau de base est cependant obligatoire pour en faire émerger l’œuvre poétique.
Il y a quelque chose dans le langage qui ne se voit pas, qui n’apparaît pas, mais qui existe. Et voilà cette capacité d’émerveillement que seules la mystique et la poésie découvrent. C’est revenir à l’émerveillement des enfants lorsqu’ils jouent, qui vont d’étonnement en étonnement. Quand on veut expliquer ce que c’est, l’étonnement et la fascination prennent fin. S’étonner, c’est rester au-dessus de l’abîme qui sert d’intermédiaire entre le nom prononcé et ce qui est caché, mais il est là. Le nom d’une fleur, ou d’un coucher de soleil, évoque une réalité qui se transcende. Et cette capacité d’émerveillement doit toujours demeurer chez l’être humain lorsqu’il nomme les choses ou les voit. L’homme et la femme sont les seuls êtres dotés de langage, de la capacité de « nommer » les choses et il y a ici une récréation. Une fleur, un coucher de soleil, une cascade, le scintillement des étoiles, un sourire, sont autant de raisons de retrouver notre capacité d’émerveillement. Les religions avec leurs symboles, la poésie avec leurs vers et leurs métaphores et les œuvres d’art sont des portes qui peuvent éveiller en nous l’esprit des choses.
Notre vie peut retrouver une subtilité dans la douceur de l’existence qui porte en elle les germent de l’enchantement calme que certaines sagesses ont voulu porter à des époques données. Nous sommes envahis à chaque instant d’images plus ou moins fortes pour attirer notre attention, oubliant la délicatesse qu’un enfant pourrait poser sur la découverte de l’inconnu. La puissance de l’image n’est pas dans son caractère, dans son explosion d’émotions que celle-ci peut nous porter, mais dans son authenticité qui nous entraîne dans son geste habité. Habiter sa vie est une question de rythme. Entre la légèreté de vivre et la conscience déposée sur l’existant, j’apprends à danser sur une raisonnable profondeur de mon rapport au monde et à la mélodie de la vie. Celle-ci peut parfois s’envoler plein de passions tel un tango, mais l’important est de retrouver la beauté du classique qui nous entoure. Ainsi nous apprenons à partir à la dérive, un regard posé sur cette scène de vie qui nous éblouit, qui dépeint un tableau ordinaire, et qui nous offre cet instant de contentement, ce sourire qui se déposera quelques instants sur notre visage, alors offert au passant qui l’emportera et l’offrira à son tour. Ces petits quotidiens qui ne sont rien, mais qui font tout. Retrouver la puissance de l’enchantement non pas dans le dernier bibelot à la mode, mais dans le prochain oiseau qui chantera une ode.
Effectivement, ce site de sciences humaines qui tente de faire rencontrer la philosophie, la psychologie, parfois l’anthropologie, n’est pas un recueil de poésie. Mais le monde qui se dessine entre ces lignes, porte une conscience de notre société, une conscience de notre façon d’être, une fenêtre sur le commun, qui pourra, elle, être poétique.
Le rêve a son rôle fondamental, comme l’autre pôle en tension avec la mémoire. Nous avons besoin de racines -mémoire- et d’ailes -rêves- pour prendre le passé en main et avancer vers un autre monde possible, qui n’est pas encore, mais à venir. Alors peut-être ne verrons nous pas la grande majorité de nos rêves, peut-être parce qu’ils sont trop utopiques, peut-être parce que ce sont des rêveries, peut-être parce qu’ils nécessitent un long processus de discernement et de changement des personnes et des institutions. Mais n’abandonnons pas nos rêves, car je crois que la Vie est toujours source de nouveauté et de surprise : c’est une énergie dynamique, toujours en mouvement. Mémoire et rêves en tension dynamique, mais aussi contemplation de la réalité. Contempler la réalité avec lucidité et esprit critique, ne jamais cesser de se remettre en question, ni de renoncer à rêver et à faire confiance, car sans espoir, il est impossible de lutter pour un avenir positif et désirable. J’espère que mes rêves aideront les jeunes à avoir des visions, et que d’autres personnes âgées rêveront aussi. Parce que les rêves d’un seul ne valent pas grand-chose, mais les rêves de plusieurs peuvent changer la réalité.
Pour reprendre les propos de J.P. Pierreon dans Médite comme une montagne : Les arts sont des portes d’entrée. Ils ouvrent sur des univers invisibles qu’ils rendent visibles. Notre perception ordinaire des choses est amoindrie, anesthésiée par une activité qui se caricature en activisme (« je suis occupé ») ; par un souci d’efficacité qui se mue en accélération (« je suis pressé ») ; ou par une médiatisation de notre rapport au monde qui, avec nos écrans, fait écran, précisément, à notre incarnation sensible (« je suis lassé par toutes ces informations »). Avec les arts, nous nous rendons sensibles à nouveau à ce qui nous entoure. Ils nous introduisent à un espace où nous nous retrouvons en relation au monde. Alors sortons d’une logique instrumentale pour entrer dans une logique de relations, bon voyage poétique.
Réflexion philosophie et poétique complémentaire :
Quand le monde chancelle et que l’homme s’éteint,
La poésie surgit, flambeau entre les mains.
Elle n’est pas refuge, ni rêve en robe pâle,
Mais levain de révolte d’un fond archétypal.
Par-delà les discours, les dogmes, les glaives,
Elle trace un chemin dans la chair de nos rêves.
C’est le cri des sans-voix, l’orage des silences,
Le feu doux du cœur nu contre l’indifférence.
Le poème est rebelle, il renverse les rois,
Non par le fer tranchant, mais par l’éclat des voix.
Chaque vers est un choc, une graine en furie
Qui germe dans la nuit et déchire l’oubli.
Il n’est de révolution sans souffle intérieur,
Sans larmes partagées, sans l’éveil des meilleurs.
Et c’est là que le chant devient insurrection,
Quand il porte en son sein l’humaine compassion.
Le poète est debout, solitaire et multiple,
Portant l’universel dans une rime simple.
Il parle à l’ennemi sans brandir de fusil,
Mais d’un mot incandescent qui désarme et qui lie.
Poésie, sœur du juste, amante de la flamme,
Tu traverses le temps, tu façonnes les âmes.
Par toi, le cœur se dresse et refuse de plier,
Car aimer est un acte, qui permet de relier.