Au début du 20e siècle, les nouvelles découvertes technologiques enthousiasment les penseurs du monde qui commencent à imaginer un avenir cosmopolite radieux grâce à l’avancée de la raison. Disparition future des maladies, démocratisation de la culture. Les machines se chargeront des travaux qui jusqu’ici asservissent les peuples. La Science répondra à toutes nos questions, résoudra tous nos problèmes… Seulement l’évolution n’est pas tout à fait allée dans la direction que nous souhaitions. Ainsi, les transformations de nos sociétés, suite à l’explosion urbaine, à l’essor de la société technocratique, à une postmodernité solipsiste, à une crise du politique, une explosion du pouvoir financier, ou encore une destruction de notre environnement, pour ne citer qu’eux, nous contraignent à réinterroger la majorité de nos certitudes.
Aujourd’hui, le concept de crise est insuffisant pour rendre compte du niveau de bouleversements auxquels nous avons affaire. Nous ne sommes pas seulement confrontés à des crises multiples et interférentes, mais à des métamorphoses, c’est-à-dire à des changements structuraux et processuels dans les divers niveaux d’organisation de la vie : philosophique, économique, politique ou culturelle. Pour reprendre les propos de Boaventura de Sousa Santos « Ce n’est pas d’alternatives dont nous avons besoin, mais de penser de façon alternative les alternatives existantes ». La pychosociologie avec entre autre l’antropologie devient un réservoir “d’outils de dérangement intellectuel”, qui nous aident à nous penser nous-mêmes et à imaginer l’avenir comme un foisonnement de possibilités, et non plus comme un trajet unique tout tracé vers le désastre. La démarche est d’offrir des contre-points à nos manières de faire et donner ainsi prise à la pensée critique sur des facettes de notre rapport au monde qui autrement passeraient inaperçues, diluées, dans l’habitude et l’évidence.
En effet, la crise écologique est la crise d’une culture qui a perdu le sens de la sacralité du monde. La vision matérialiste du monde a ouvert la voie à ce que le philosophe Max Weber a appelé le désenchantement du monde. Cette désacralisation de la nature s’accompagne d’une aliénation systémique de l’être humain avec le monde naturel. L’être humain s’est alors considéré comme le centre et la mesure de toute chose. En identifiant la liberté à l’émancipation par apport aux autres, à la société et la nature, en particulier grâce à la technique, l’être humain s’est de plus en plus “dé-naturé”, au point de devenir hors sol ; et de vivre dans un environnement lui-même hors sol, désincarné. La psychosociologie et l’anthropologie (comme nous l’explique P. Descola) nous apportent la preuve que d’autres voies sont possibles pour nous assembler et régler nos vies que celles qui nous sont familières en Occident. Elles montrent que l’avenir n’est pas un prolongement automatique de l’actuel, mais qu’il est ouvert à tous les possibles pour peu que nous sachions les imaginer.