Apprendre à retisser des liens pour renouer avec une harmonie sociale et personnelle.

Voici en introduction une réflexion du conteur Henri Gougaud sur la posture à adopter pour entrer en relation : 

 

 

Les travaux du philosophe Abdennour Bidar, montrent l’importance du lien dans la construction de soi. Dans l’essai « les tisserands », il revient sur cette question est explicitant les trois parties complémentaires du lien nourrissant. Le triple lien, à soi, à autrui et à la nature, est nourricier parce que sans lui notre ego et notre humanité se dessèchent et dépérissent comme une plante laissée trop longtemps sans eau, sans terre, sans lumière :

 

Le lien à soi ; notre « petit moi » se rabougrit si nous vivons sans lien intérieur avec notre « moi des profondeurs », qui est la source ou ressource de vitalité, d’inspiration, de sagesse et d’amour au cœur de nous-mêmes, mais dont nous sommes spontanément inconscients. Combien d’entre nous ont creusé assez loin, avec assez d’acharnement et de confiance, dans la terre noire de leur intériorité pour y déterrer la source bouillonnante d’eau vive ? Combien ont tendu l’oreille assez profondément pour entendre le chant de cette source intime ? Et comment peut-on espérer être heureux si l’on ne vit qu’à la surface de soi-même ? Sans jamais faire s’épouser notre âme et notre conscience ? Sans jamais faire respirer notre âme à l’extérieur ? Sans l’ouverture des sources de vie cachées dans les profondeurs du moi humain / terrestre ? Ces sources souterraines sont l’eau du petit moi. Celui-ci en effet est comparable à une graine d’être – la semence de notre individualité qui a besoin d’être arrosée pour grandir.

Notre petit moi se rétrécit un peu plus si nous négligeons notre lien social, qui est sa deuxième source/ ressource de vitalité. Que se passe-t-il en effet si nous laissons le petit moi s’isoler, se replier sur lui-même de façon individualiste ?  La culture du lien de partage, d’adelphité, de dialogue, développe notre humanité – ce beau mot désignant à la fois « le fait d’appartenir à l’espèce terrestre » et « le fait de se conduire solidairement envers son semblable ». L’un est la conséquence de l’autre : plus je me conduis de façon humaniste, plus mon essence de terrestre s’affirme en moi. Cette qualité du lien à l’autre nous alimente autant que la qualité du lien à notre propre intériorité. C’est la terre du petit moi. Comme « graine d’être », celui-ci a besoin pour grandir non seulement de l’eau des sources intérieures, mais du terreau ou de l’humus des relations sociales qui vont lui permettre de s’humaniser.

Notre petit moi finit enfin de s’amoindrir et de mourir à petit feu s’il subit l’asphyxie d’une existence urbaine sans contact suffisant avec l’oxygène physique et spirituel de la nature. Nous ne concevons même plus l’affaiblissement vital que cela représente. Nous étouffons dans la cage de nos villes de béton, de fer, de verre, de plastique, et d’acier, polluées de surcroît. En reprendre conscience devrait être un réflexe de survie. Plus on vit au milieu de matières mortes, plus on se perçoit comme mortel. À l’inverse, plus on va vers la nature qui se renouvelle infiniment, plus on se sent participer à une Vie plus vaste-plus, on fait l’expérience de ce que stoïciens et épicuriens appelaient une « dilatation du moi dans une nature universelle ». La nature est la lumière du petit moi, qui l’éclaire sur la possibilité même d’un plus haut degré d’existence et de vitalité. En nous sentant appartenir au Grand Tout, ne découvrons-nous pas aussi que nous sommes en quelque sorte l’œil de l’univers, comme disait Platon ?

L’eau, la terre, la lumière, du triple lien, m’apprennent à participer à une vie infiniment plus vaste. À me rendre attentif et disponible à la vie sous toutes ses formes. Hors d’elle, le petit moi serait comparable à un organe absurde, inutile et impuissant, posé par terre, loin de tout organisme. Il n’aurait ni fonction vitale à remplir ni alimentation. Il dépérirait de vanité, c’est-à-dire d’inutilité, et il mourrait de faim.

Le lien à soi est le premier lien qui n’a de sens que s’il conduit aux autres. Plus nous le cultivons, plus nous alimentons les autres. Plus nous prenons d’énergie en nous-mêmes, plus nous nous ouvrons aux autres et nous nous inscrivons dans le monde. En retour, le lien à autrui et le lien au monde inspirent aussi le lien à soi. Le triple lien, ne sont pas trois directions, mais trois pôles d’une circulation d’énergie dont chacun alimente les deux autres.

Se relier !

Ce sont bien nos liens, en effet,

En particulier Trois Liens sacrés

Qui nous unissent à elle,

La grande énergie spirituelle

Qui circule dans tout l’univers

Venant de plus haut même que les sphères

Où vivent des anges de lumière,

 

Trois liens d’or

Qui réveillent

Le dragon qui dort

D’un trop long sommeil :

 

Le lien à soi,

Vers cette énergie

Au cœur du moi

Tout petit,

 

Le lien à autrui,

Vers la même énergie

Trouvée par l’émotion

De la compassion,

 

Le lien à l’univers

Qui dans notre chair

Révèle cette même énergie

Comme unité de tout ce qui vit,

 

Trois directions

Vers trois puis sans fond,

Trois secrets sans âge,

Trois océans sans rivages

 

Où l’on peut à l’envi

Puiser sans jamais l’épuiser,

L’eau de la suprême énergie

 

 

sources : 

Les Tisserands de Abdennour Bidar

Révolution spirituelle de Abdennour Bidar

 

Pour aller plus loin : 

La résonance est une relation entre le sujet et le monde