De nos jours, lorsque l’on mène une vie spirituelle en harmonie avec la Loi de l’attraction, les “énergies” ou l’Amour inconditionnel, on ressent une expérience unique et authentique, voir holistique, sans aucun obstacle cadre ou règle religieuse. On expérimente une véritable quête de connexion avec l’Univers voir le vivant. Cependant, cette mouvance fait partie d’un mouvement de pensée apparu à la fin du XIXe siècle : l’ésotérisme New Age.
Historique :
Le “New-âge” est peu connue, mais la spiritualité moderne fait souvent référence à la Société théosophique, créée par Helena Blavatsky à New York en 1875.
C’est également elle qui crée le concept de Loi de l’attraction (dont on parlera en fin d’article). Initialement initiée au spiritisme (un courant spirituel de premier plan à l’époque), Helena Blavatsky affirme avoir des connexions avec des êtres appelés “Supérieurs Inconnus”, qui sont les gardiens de vérités oubliées et dont elle serait la porte-parole afin de rendre à l’Humanité la sagesse perdue. En utilisant la table tournante et l’écriture automatique, elle développe des idées telles que : il n’y a pas de hasard, tout est rempli d’une conscience universelle, le Soi individuel est immortel et si les individus meurent, c’est parce qu’ils ne sont pas en harmonie avec leur nature divine. Helena Blavatsky, dans ses ouvrages, cherche à montrer que les résultats de la science dite « matérialiste » ont été préalablement prévus dans les écrits des sages anciens et que le matérialisme serait bientôt considéré comme invalide. Elle évoque un peuple éthérique de la Terre et les mythiques peuples de Lémurie et de l’Atlantide (qui serra repris par la suite pour devenir La théorie des anciens astronautes). Toutefois, les défenseurs du spiritisme eux-mêmes accusent rapidement Helena Blavatsky d’escroquerie et d’avoir plagié des paragraphes entiers de la littérature occultiste. Pendant la tourmente, elle se rend en Inde. C’est à ce moment-là qu’elle va adopter les concepts de karma, de mantra, de yoga et de réincarnation de l’hindouisme et du bouddhisme. Par la même occasion, elle abandonnera le spiritisme et les “Supérieurs Inconnus” pour se déclarer maintenant en contact avec des “Maîtres Invisibles” qui résident dans l’Himalaya. Son rôle est de réconcilier l’ancienne sagesse orientale et la science moderne, et elle affirme que toutes les religions et philosophies ont un aspect d’une Vérité universelle.
L’expansion de la Société théosophique en Europe est principalement due à l’occultiste autrichien Rudolf Steiner. Un scandale de pédophilie éclaboussant l’association, il en tire profit pour fonder son propre mouvement en 1913 : l’anthroposophie. Le progrès technique et scientifique, ainsi que la pensée des Lumières, sont alors fustigés par les prédicateurs dans les pays germaniques. Ils mettent en valeur la nature et le retour à une vie rurale du Moyen Âge. Les fondements du théosophisme sont maintenus par la doctrine de Rudolf Steiner qui y intègre des concepts issus du christianisme. L’anthroposophie est à la fois une religion et une philosophie. Elle affirme que l’intuition est la seule source de connaissance universelle. De cette façon, la prémonition ou le sentiment personnel sont souvent plus importants que la raison dans leurs choix. Rudolf Steiner n’est pas un érudit des sciences physiques, de l’éducation ou de la médecine, mais il développe des théories très approfondies dans ces domaines. Il affirme avoir extrait ces informations de sa vision mystérieuse de la mémoire cosmique : ce qu’on nomme les “annales akashiques”, une nouvelle création d’Helena Blavatsky. Steiner est principalement célèbre pour avoir créé des établissements scolaires qui mettent en avant une pédagogie basée sur les forces “surnaturelles” de la croissance chez l’enfant. Environ 2000 jardins d’enfants et plus d’un millier d’écoles. Actuellement, Steiner-Waldorf sont présents dans 65 pays différents. Il crée aussi une méthode d’agriculture ésotérique, la biodynamie, dont les produits sont actuellement commercialisés en magasins bio et en parapharmacie, sous le label Demeter (avec la marque de cosmétiques Weleda, par exemple).
Chaque époque a ses convictions et ses craintes. Elles sont fréquemment associées aux transformations de la vie engendrées par le développement technique ou aux interrogations existentielles que posent les découvertes scientifiques majeures. Ce sont l’hypnose, les microbes, les atomes et les ondes qui permettent de penser que notre vision limitée nous cache peut-être un monde parallèle « éthérique » et peuplé de forces inattendues au début du XXe siècle. S’il est courant de parler de New Age, qui signifie stricto sensu l’attente d’une nouvelle ère, à l’époque des hippies, il a été inventé à l’origine par une autre personne de la Société théosophique : l’anglaise Alice Bailey.
Alice Bailey encourage à renoncer à la science au profit d’une perspective conforme au New âge : “le microcosme est le reflet du macrocosme et chaque individu est apparenté à la Divinité”. Elle se déclare également en interaction avec des “Maîtres Invisibles” qui lui enseignent pas moins de 18 livres. On parle du retour du Christ, avatar de Bouddha, de Jésus et d’autres maîtres ascensionnés, qui annoncera l’arrivée d’un âge d’or et d’une religion universelle et unitaire. Ce qu’elle nomme « le passage à un nouvel âge » est associé à l’imminence du passage de l’ère astrologique du Poisson à l’ère du Verseau. Alice Bailey établit dans les années 20 et 30 une maison d’édition, une école où elle enseigne sa doctrine et une association qui, au début de la Seconde Guerre mondiale, est présente dans 19 pays. L’ensemble vise la préparation de la religion du Nouvel Âge. Ces théories seront bien accueillies aux États-Unis, notamment après-guerre dans un culte des Ovnis qui était déjà un mélange de spiritisme, de théosophisme et de folklore local. En 1952, par exemple, George Van Tassel affirme recevoir des messages télépathiques de la part d’extraterrestres, dont une entité qui devrait devenir mondialement connue dans le New Age : le commandant Ashtar Sheran. À partir de ce moment, le phénomène se répand rapidement et les prétendants avoir eu des contacts avec des pilotes de soucoupes volantes sont de plus en plus nombreux afin de transformer le monde et de prendre une nouvelle direction.
Le tournant majeur de l’histoire de l’ésotérisme se produit en France en novembre 1960, lorsque le Matin des magiciens est publié chez Gallimard. Le livre se traduit rapidement dans toutes les langues et son influence est mondiale. Selon les auteurs, tradition et modernité sont étroitement liées : on y retrouve l’idée que les anciens possédaient déjà toutes les connaissances, mais qu’elles ont été oubliées, et que notre monde moderne est en réalité rempli d’indices de ces connaissances, accessibles à celui ou celle qui saura les repérer. L’ouvrage propose un cadre de lecture qui mêle les découvertes d’Einstein, les sociétés secrètes telles que la Rose-Croix, l’alchimie, ainsi que des civilisations légendaires très avancées techniquement, mais qui auraient disparu sans avoir su maîtriser leur puissance. On parle également d’une organisation secrète de mutants qui auraient le pouvoir sur l’humanité ; une croyance qui se développera à partir des années 2000 autour des théories sur les Illuminati, les extraterrestres reptiliens et leur pendant : les Enfants indigo. Toutes ces connaissances ne sont plus réservées à quelques initiés ou érudits ; leur transmission vise désormais à apporter un changement au plus grand nombre.
À la suite des violences contre les hippies aux États-Unis en avril 1968, une partie d’entre eux renoncent à la lutte politique anti-guerre du Vietnam et se réfugient dans l’autarcie et la construction de communautés en Californie. Pendant cette période, Aldous Huxley et Timothy Leary encouragent le LSD comme une manière d’élargir sa conscience et de vivre ce dont les grands mystiques parlent depuis toujours : la rencontre avec Dieu. Avec l’influence théosophique d’Alice Bailey, le mouvement combine yoga, mantra et vies antérieures à la consommation de drogue et à la lecture du « Livre des morts » (œuvre traditionnelle du bouddhisme tibétain qui décrit ce que l’on découvre à la mort). Quelques années plus tôt, en 1961, deux hippies diplômés de l’université de Stanford, sensibles au discours d’Aldous Huxley sur le « potentiel humain », fondent l’institut Esalen en Californie. Ils aspirent à aller au-delà des frontières de la science qu’ils perçoivent comme un dogme à l’instar des religions. En mettant en place le “Mouvement pour le développement du potentiel humain”, ils attirent des intellectuels, des psychologues, des artistes et de nombreux explorateurs de la psyché. Les idées avancées attirent également de nombreux chercheurs persuadés de la supériorité de l’esprit sur la matière et désireux de faire des liens entre la science et la théologie.
La spiritualité et l’épanouissement personnel deviennent ainsi des activités tarifées.
Esalen offre des séances de conférence et des retraites axées sur la créativité, la danse, le Tai-Chi, les tarots, la parapsychologie, et bien d’autres encore. On accorde une grande importance au corps ; la nudité, les bains collectifs, l’épanouissement de la sensualité, le tantrisme et le “massage californien” visant l’éveil. Cela se produit dans une atmosphère où la drogue circule librement. Officiellement, l’entreprise affirme avoir combiné les « techniques chinoises du Ve siècle avec les connaissances de la cybernétique ». Les pionniers du développement personnel ont été formés dans cet institut. De nombreux praticiens actuels, que ce soit consciemment ou non, sont les héritiers de ces “expérimentations” qui combinent des états de conscience modifiés, de la méditation, de la respiration yoguique, des souvenirs de vies passées, des guérisons par imposition des mains ou du jeûne. La modification du tout par ses parties est caractéristique de la vision holistique du New Age, où le microcosme se joint au macrocosme.
Les années 80 marquent le commencement d’une période où la nécessité de donner un sens à la vie individuelle suscite l’émergence de nombreuses méthodes alternatives, en particulier dans le domaine de la santé avec les médecines dites “holistiques”. Des théories du complot gouvernemental, des puces électroniques implantées et des extraterrestres sont également apparues. Des idées que certaines personnalités du New Age, comme David Icke ou David Wilcock, reprendront largement. La prolifération des livres, des produits et des séminaires combine la recherche spirituelle et le développement personnel. Le “channelling“, résurgence du spiritisme qui consiste à communiquer par télépathie avec des entités d’autres dimensions, comme des maîtres ascensionnés ou des extraterrestres, fait son apparition et offre révélation sur révélation au sujet des lois de l’univers. Parmi les grandes références, on trouve les livres “Un Cours en Miracles“ ou “Conversations avec Dieu“. On assiste également au renouveau des “anges gardiens“ avec des publications telles que “Dialogues avec l’ange“ ou “Enquête sur l’existence des anges gardiens“. Parmi les succès de librairie des années 90, on trouve aussi “La Prophétie des Andes“, un roman initiatique accompagné de guides pratiques dévoilant au lecteur comment élever son niveau de conscience et d’énergie, se doter de pouvoirs paranormaux et participer ainsi à la transformation de notre société. Ensuite, sort le livre intitulé “Les Enfants indigo”. Selon lui, la plupart des enfants qui naissent à cette époque sont complètement différents. Il s’agit d’êtres lumineux venus d’autres dimensions, mieux connus, qui s’incarnent sur Terre afin de nous assister dans la grande transition planétaire annoncée pour 2012 : le passage à une conscience supérieure.
À la fin des années 90, le mouvement du New Age s’étend à un tel degré que ses limites sont difficiles à repérer. Il reçoit une attention particulière de la part des associations de lutte contre les sectes qui y voient un terrain favorable à toute forme d’abus. Dans la tradition ésotérique la plus pure, le New Age remet encore et toujours en question les limites entre science et traditions en incorporant aujourd’hui des arguments liés à la physique quantique et aux neurosciences du corps. S’il semble que toutes les évolutions du New Age soient un ensemble d’ajouts de tous horizons, le mouvement suit en fait les bouleversements de la science elle-même, tout en en détournant le vocabulaire et en en usurpant les concepts. En Amérique du Nord et maintenant en Europe, les concepts du New Age se simplifient et vont jusqu’à s’imposer dans les milieux politiques, dans les domaines de la santé et de l’éducation. Par exemple le concept de “coaching de vie”, qui fait largement appel à la “pensée positive”, a été adopté à l’université.
L’avènement d’Internet a rendu le new-âge “mainstream” aujourd’hui. Tout le monde y pique ce qu’il veut, selon sa sensibilité et ses besoins, sur le chemin de la transformation intérieure. Une thérapie ou une autre méthode, un livre sur les anges ou un guide pratique pour établir un lien avec son enfant intérieur. Chaque individu aspire à transformer son corps et son esprit afin d’atteindre le “bien-être”, une étape essentielle vers un bonheur accessible. Le développement personnel et la recherche spirituelle sont désormais personnalisés, grâce à des applications qui permettent de progresser à son propre rythme. Tous sont invités à « trouver leur voie » parmi une multitude de connaissances, à se faire sa propre représentation du monde à partir de leurs expériences personnelles et des leçons qu’ils tireront ici et là. Dans une symphonie planétaire, toutes les vérités se mêlent et nous incitent à toujours nous référer à la seule entité qui est censée posséder la connaissance ultime : Soi.
Quelle vision porte ce mouvement aujourd’hui ?
En plus d’une reprise de tout ce que nous avons vu plus haut, on pourrait dire pour tenter de conclure, que l’idée que nous créons tous les aspects de notre vie, en particulier nos limitations, est l’une des principales idées du mouvement New Age. L’élimination des couches limitantes, permet d’accéder à la source jusqu’à son intégration complète. Il est donc de notre responsabilité de “laisser être”, de cesser de résister pour pouvoir s’aligner. De fait, la méditation est également recommandée car elle est connue pour améliorer son niveau de conscience, ce qui entraîne une augmentation de son champ vibratoire. Au fur et à mesure que notre énergie augmente, nous recevons une conscience plus élargie qui nous rapproche de notre source divine. On peut également pour arriver à cet objectif, écouter de la musique, prier, se mettre en contact avec ses guides ou faire de la visualisation en se connectant à une réalité élevée. Il faut simplement donner son intention positive à toute chose ou à toute entité afin de bénéficier de ses avantages. Le tout en évitant ce qui ne résonne pas avec soi, comme par exemple une personne à faible taux vibratoire. En somme, afin d’atteindre sa condition la plus haute, il faut accepter sans savoir (sans tenir compte de la démarche scientifique). En effet, en diminuant notre mental, nous encouragerons notre intuition et notre pensée se concrétisera encore plus facilement vers un bien être holistique.
Il y a également l’idée que le jugement, la catégorisation bien/mal doit être évitée à tout prix car la dualité nous prive de “l’unité”. Chaque idée est réduite à un niveau identique, à une valeur identique. « Chaque pensée, sensation, croyance, jugement ou décision que nous prenons n’est qu’un point de vue subjectif. » Toute chose est remplie d’Intelligence infinie (ou Divine), lorsqu’elle est révélée, on acquiert une puissance totale.
Cependant, les avantages de tout cela ne se réduisent pas à l’individu. En augmentant son taux vibratoire, il est possible de devenir une source de lumière qui, grâce à sa présence, encouragera les autres à se développer, modifiant ainsi l’équilibre énergétique de sa famille, de son couple et même de la planète. Dans ce cadre de pensée, de plus en plus de personnes s’ancrent et se libèrent des croyances limitantes, émettent de l’amour et de la compassion, pour contribuer au changement de paradigme et à la transformation du monde. Ainsi, dans cette vision attrayante (car valorisante pour l’estime de soi) nous sommes tous de véritables enseignants et guérisseurs qui pouvons par notre évolution interne transformer le monde. La réalité est quand à elle, avant tout spirituelle et le monde matériel est une illusion.
Illustrons ce mouvement de pensée avec la loi d’attraction :
“Si vous ne recevez pas ce que vous demandez, ce n’est pas la loi qui a échoué, c’est que vos doutes l’emportent sur votre foi.”Rhonda Byrne, The Secret (2006).
Référence : physique quantique ? « Vous êtes l’aimant le plus puissant de l’univers ! Le pouvoir magnétique qui réside dans votre esprit est plus puissant que le reste. »
Le Secret était connu de Platon, Shakespeare, Newton, Hugo, Beethoven, Lincoln, Emerson, Edison, Einstein… Où sont les preuves ?
Un relais de l’idéologie néolibérale libérale et un remix du « vous êtes responsable ».
« Pourquoi croyez-vous que 1% de la population gagne 96% de la richesse mondiale ? (…) Les personnes qui sont devenues riches ont eu recours au secret, que ce soit de façon consciente ou inconsciente. Elles pensent à l’abondance et ne laissent aucune pensée contradictoire cheminer dans leur esprit ».
Recette pour sombrer dans la culpabilité et la haine de soi. Nous sommes entièrement responsables de notre destinée. Perdre son emploi ne serait pas lié à la crise économique mais à notre pessimisme. « La crise économique est une formidable opportunité de croissance et d’exprimer son potentiel » (un célèbre coach francophone…).
Maladie : « La maladie ne peut pas exister dans un corps qui nourrit des pensées harmonieuses » Byrne. Tsunami 2004 : « les victimes devaient sans doute cultiver des pensées négatives quand la catastrophe est arrivée ».
Byrne exprime de façon extrême une idée qui n’est pas seulement dominante dans les cercles New Age mais aussi dans le monde politique. Sa conception de la responsabilité individuelle forme le corollaire idéal de réformes politiques qui visent à légitimer les injustices, la pauvreté et les divisions de classe. Les pauvres ne sont pas en proie à des inégalités structurelles ; ils manquent de bonne volonté pour sortir de leur condition.
Pour suivre la suite de la réflexion voir l’article suivant :
Développement personnel ou voie spirituelle : Différence introduction [1]
Une playlist sur les risques associé à ces questions :