Demain, un film de Cyril Dion et Mélanie Laurent

Sorti en 2015, le documentaire Demain, coréalisé par Cyril Dion et Mélanie Laurent, s’inscrit dans un contexte marqué par une inquiétude croissante autour des crises environnementales, économiques et sociales. Loin de s’en tenir à un constat alarmiste, le film adopte une posture résolument optimiste en allant à la rencontre d’initiatives concrètes portées par des citoyens, des collectivités et des chercheurs à travers le monde. Fort de son succès international – plus d’un million d’entrées en France et le César du meilleur documentaire en 2016 –, Demain a contribué à renouveler le discours écologique par une approche à la fois narrative, émotionnelle et pragmatique.

Une réponse aux impasses du catastrophisme

L’origine du film repose sur une prise de conscience : à la lecture d’une étude scientifique publiée dans la revue Nature, les coréalisateurs découvrent qu’une partie de la communauté scientifique envisage l’effondrement possible de la civilisation humaine d’ici la fin du XXIe siècle si aucune action n’est entreprise. Conscients de la paralysie que peut engendrer un discours strictement catastrophiste, ils choisissent une autre voie : celle de l’inspiration. Le pari de Demain est simple mais audacieux : montrer que les solutions existent déjà, qu’elles sont expérimentées localement, et qu’elles peuvent servir de modèles à une transformation plus large.

Un parcours en cinq chapitres

Le documentaire se structure autour de cinq grands axes interdépendants

  • l’agriculture,
  • l’énergie,
  • l’économie,
  • la démocratie
  • l’éducation

Chacun traité à travers des exemples concrets recueillis dans une dizaine de pays (France, Inde, États-Unis, Finlande, Islande, etc.). Ce découpage thématique permet de mettre en lumière la dimension systémique des enjeux contemporains tout en valorisant la diversité des approches possibles.

Par exemple, dans le domaine agricole, Demain met en avant la permaculture comme alternative à l’agriculture intensive, en montrant qu’il est possible de produire de manière durable tout en respectant les équilibres naturels. En matière d’énergie, le documentaire s’intéresse à des villes qui visent l’autonomie énergétique grâce aux énergies renouvelables. Sur le plan économique, il présente des initiatives de monnaies locales qui relocalisent les échanges et renforcent la résilience des territoires.

Une esthétique du récit et de l’émotion

Le succès de Demain tient en grande partie à sa forme narrative. À rebours des documentaires didactiques ou techniques, il adopte un ton personnel, incarné par la présence des deux réalisateurs qui sillonnent le monde en quête de solutions. Cette narration à la première personne favorise l’identification du spectateur et crée une dynamique émotionnelle forte. Le recours à la musique, aux images inspirantes et à des témoignages positifs renforce cette dimension sensible.

Le film emprunte également aux codes du road movie, transformant le parcours documentaire en aventure humaine. Ce parti pris esthétique participe à rendre l’écologie désirable, non comme une série de contraintes, mais comme une opportunité de redéfinir nos manières de vivre.

Un impact au-delà de l’écran

Demain ne s’est pas limité à une simple diffusion cinématographique : il a nourri un véritable mouvement citoyen. De nombreuses projections-débats ont été organisées, notamment dans les écoles, les collectivités et les associations. Le film a donné lieu à un prolongement éditorial (Demain, le livre), ainsi qu’à des actions concrètes sur le terrain. À ce titre, il constitue un exemple emblématique de ce que l’on appelle aujourd’hui les « récits mobilisateurs » : des œuvres capables de faire émerger de nouvelles représentations collectives et d’impulser le changement.

un film manifeste pour une transition positive

En somme, Demain se présente comme un manifeste pour une transition écologique, sociale et démocratique fondée sur l’action locale et la confiance dans l’intelligence collective. Son approche, fondée sur la mise en récit d’expériences concrètes et reproductibles, a contribué à faire émerger une écologie de l’espoir, en rupture avec les rhétoriques de la peur. À travers sa capacité à toucher un large public, il s’impose comme un outil de sensibilisation mais aussi de mobilisation, incarnant la puissance du cinéma documentaire à éveiller les consciences et à ouvrir des horizons.