La fonction herméneutique désigne la capacité humaine à interpréter, c’est-à-dire à dégager du sens à partir d’un signe, d’un texte, d’un événement ou d’une expérience. Elle s’inscrit dans une anthropologie du sens selon laquelle toute compréhension est médiée par une interprétation située.
Fondements antiques et médiévaux de l’herméneutique
Le terme herméneutique vient du grec « interpréter », et renvoie à Hermès, le messager des dieux, médiateur entre le monde divin et humain. Dans la tradition antique, l’herméneutique s’exerce principalement dans l’interprétation des oracles, des rêves, et des textes sacrés. Dans la tradition biblique et patristique, la fonction herméneutique est essentielle à l’exégèse : elle permet de comprendre les Écritures, à travers des lectures allégoriques, morales ou anagogiques. Augustin, Origène ou encore Thomas d’Aquin développent une herméneutique théologique, fondée sur la révélation et la quête du sens spirituel. La fonction herméneutique est ici fondamentalement médiatrice : elle traduit l’invisible dans le visible, l’intemporel dans le langage humain. Elle révèle une structure profonde de la pensée religieuse et philosophique : comprendre, c’est toujours interpréter.
L’émergence moderne d’une herméneutique philosophique
Avec la modernité, l’herméneutique se déplace du champ théologique vers une philosophie de l’interprétation. Paul Ricœur définit la fonction herméneutique comme une capacité à médiatiser le rapport entre soi, le monde et autrui à travers les symboles, les récits et les textes. Selon Ricœur, « le symbole donne à penser » : l’interprétation est donc une mise en mouvement de la pensée, un passage de la signification première à une profondeur de sens. L’herméneutique devient un processus éthique, existentiel et politique, où l’on apprend à habiter l’altérité du sens. Cette fonction interprétative est également essentielle dans la constitution de l’identité narrative : nous nous comprenons nous-mêmes à travers les récits que nous tissons, lisons et transmettons. La fonction herméneutique devient ainsi une condition de la subjectivité, de la mémoire et de la transmission culturelle.
Enjeux contemporains : pluralité, critique et décentrement
Aujourd’hui, la fonction herméneutique est plus que jamais sollicitée dans un monde pluriel, complexe et saturé de discours. Elle joue un rôle essentiel dans les débats interculturels, interreligieux, dans l’analyse des médias ou encore dans la psychanalyse. Les herméneutiques de la suspicion (Nietzsche, Freud, Marx) ont introduit une dimension critique à l’interprétation : le sens apparent peut dissimuler un sens caché, un désir ou une idéologie. Dans ce cadre, la fonction herméneutique devient aussi un exercice de dévoilement, une stratégie d’émancipation. Dans les champs de l’écologie, de la justice sociale ou de la décolonisation du savoir, la fonction herméneutique devient un outil de décentrement, capable d’ouvrir des lectures alternatives du monde et de ses récits dominants.
Conclusion :
La fonction herméneutique ne se limite pas à un acte académique ou théorique : elle est un mode d’être, un rapport au monde et aux autres fondé sur la reconnaissance, l’écoute, la médiation. Elle rappelle que toute compréhension est située, dialogique, évolutive. Dans un monde fragmenté, interpréter devient un geste de soin et de responsabilité : traduire sans trahir, comprendre sans réduire, interpréter sans dominer. En ce sens, la fonction herméneutique est plus qu’un outil intellectuel : elle est un chemin vers une éthique de la relation, une sagesse de l’interprétation, au service d’un monde commun.