Analyse des formes de solidarités sociales selon Durkheim comme structuration sociale :
La solidarité se réfère aux liens invisibles qui unissent les individus entre eux et qui assurent la stabilité de la société : la solidarité est le « ciment » de la société. Celle-ci peut prendre deux formes :
- La solidarité mécanique : elle est fondée sur la similitude par affection (sentiment affectif d’appartenance), d’identité (dans le sens identique), de reconnaissance et de symbole qui souline la ressemblance du groupe.
- La solidarité organique : elle est fondée sur la complémentarité des activités et des fonctions des individus (telle l’interdépendance d’une somme d’organes utile pour faire fonctionner un corps).
Dans notre société, toutes les activités sont étroitement liées les unes aux autres, ce qui signifie que nous sommes étroitement liés les uns aux autres au sein d’une société donnée. Notre style de vie actuel est fortement interdépendant à la société dans laquelle nous vivons (Voir les travaux de Bruno Latour). Il suffit d’observer la différence avec un couple dans une société traditionnelle (fondée sur une solidarité mécanique) qui peut accomplir toutes les tâches de la tribu, du village, à l’exception généralement du travail du religieux. C’est l’élément fondamental de la solidarité organique, qui n’a pas besoin de reconnaître la personne que l’on a en face. Il s’agit de relations objectives, qui ne génèrent aucune appartenance ou identité. Il s’agit d’un système qui autorise le fonctionnement d’un ensemble sans nécessiter de procédures de reconnaissance. La société cherche donc à recréer des formes d’attachement (comme les marques, les formes de ralliements culturels…), mais qui resteront toujours beaucoup plus fragiles que dans un contexte traditionnel. La division d’une société entraîne une nécessité constante de justifier des disparités de statuts et des inégalités dans l’accès aux biens. Plus une société sera fragmentée, plus les inégalités seront difficiles à légitimer. Ainsi, plus il y a de divisions, donc plus la société repose sur une solidarité organique, plus il y a de places où la violence symbolique peut se créer. De plus, le danger de la solidarité organique réside dans le fait de se retrouver à être un groupe de personnes qui sont codépendantes, mais qui ne sont pas réellement liées affectivement entre elles. Et à ce moment-là, la question peut se poser : « Comment se sentir uni, comment se sentir en relation avec autrui ? Comment trouver du semblable avec l’autre ? «
Petite remarque sur la question identitaire.
Elle est quasiment toujours prescriptive sur le plan politique (elle cherche à imposer un cadre pour construire une forme d’identique), plutôt que de se demander ce qui a créé du semblable, et donc de l’identité à notre époque. Nous sommes dans une période où il n’y a jamais eu autant de ressemblance entre les individus à travers le monde. Une identité profonde (culturelle, alimentaire, vie au foyer, politique…) existe donc, mais elle ne permet pas de « s’aimer », elle ne suffit pas à créer un commun affectif. On pourrait donc se demander pourquoi. Il est possible qu’une réponse soit que nous ne ressentons pas d’affection pour le cadre qui définit nos similitudes. Il est possible que cette réponse, qui offre une perspective globale, ne soit pas celle souhaitée par une partie de la population (la disparition de la culture locale remplacée par une vision plus globale). Cependant, il semble plus important d’examiner ce qui fait du semblable sans créer de l’affectif, plutôt que de rejeter toute une dynamique de fond qui a créé du semblable à une échelle jamais égalée, afin de placer une figure abstraite et déconnectée du réel.
Les différentes formes d’action pour faire du commun dans une société complexe :
- Construire un imaginaire, un récit commun (national ou conceptuel)
- Retrouver des identité minoritaire communautarisme / patchwork
- Identification d’un ennemi ou altérité radicale
- Rite d’intégration, institution d’intégration
- Unité juridique (sous la constitution)
- Unité morale
Comment faire tout ça, sans en réalité rajouter des règles, des normes ? L’État n’est il pas totalement incapable de construire de l’affection (du lien affectif qui uni une population), sans passer par la règle ?
Analyse de ces différentes formes d’actions par l’État, pour refaire du commun.
L’imaginaire se distingue par sa diversité et sa singularité.
En réalité, chaque individu qui se nourrit de la même source va générer une chose distincte. Il s’agit donc de se bâtir sur une matière qui est profondément immaitrisable. La seule façon de contrôler pour rendre certaines parts communes, c’est de les rendre réglementaires et obligatoires. Donc l’investissement par la régulation du domaine de l’intégration. Lorsque l’imaginaire est une construction personnelle, certaines personnes peuvent opter pour la vision du prince charmant de Walt Disney tandis que d’autres choisissent de suivre un chemin opposé. Pour minimiser cette opposition, il est nécessaire d’un point de vue politique de définir l’imaginaire, c’est-à-dire d’en faire une religion.
L’identité dans la communauté.
L’idée est d’envisager que l’État se concentre uniquement sur la régulation, sans s’engager dans l’intégration, qui se fait à l’échelle de la fréquentation (je construis mon identité en fonction des personnes que je fréquente). Supposons que le droit français se restreigne demain aux règles et règlements administratifs et économiques du pays. Ainsi, tout ce qui est lié à la criminalité, le système judiciaire est supprimé et rétabli de manière distincte selon chaque village. Ainsi, l’excision, la vendetta, l’égalité de droit, la laïcité, l’éducation gratuite… seraient permises ou interdites en fonction des situations. Dans cette situation, la seule légitimité de l’État serait constituée par ses résultats économiques. Cependant, il existe des communautés où la réussite économique n’est pas considérée comme une source de légitimité, qui plus est, supérieure aux principes de la communauté. Il y a donc là un fort risque de perte totale de légitimité du pouvoir étatique. Les États-Unis (qui porte une vision hautement communautariste) établissent une unité Étatique en mettant l’accent sur l’importance des symboles partagés (tels que l’hymne, le drapeau, etc). Dans son livre La démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville explique ce concept en utilisant le concept de société chaude, où chaque individu s’engage à l’échelle locale. Étant donné que le local est responsable de la construction de l’ensemble, on se retrouve dans une dynamique d’appropriation de l’État de sa base, ce qui établit alors une unité, soutenu par la place de la religion comme socle commun étatique, partagé.
L’identification d’un ennemi commun :
Particulièrement stéréotypé et défini le plus largement possible afin que chaque individu puisse intégrer de manière singulière la vision de l’adversaire. Il s’agit là d’un moyen très sûr et relativement simple à mettre en œuvre, ce qui fait que les sociétés l’utilisent fréquemment. Cependant, même si cela favorise de fortes mobilisations, il semble que cela ne génère que peu d’affection au sein du groupe (à l’exception d’un contexte spécifique de mobilisation contre l’adversaire).
Le rite d’intégration :
Il est envisageable et efficace, mais coûteux et nécessite un effort social considérable, de privilégier l’intégration par le biais d’institutions et de règles claires plutôt que de se baser sur l’échelle de la fréquentation. Il s’agit d’un effort coercitif qui peut engendrer des résistances dans cette optique, et d’autre part, il a un objectif qui lui doit être vue comme légitime.
L’unité juridique :
Il est possible que cela fonctionne, il existe des textes qui suscitent un fort sentiment d’identité, comme les droits de l’Homme par exemple. Comme pour d’autre, par exemple le fait que : « le racisme en France n’est pas une opinion, mais un crime. » Cependant, cette unité fonctionne uniquement lorsque tous les imaginaires, les rites et les communautés parviennent à former une identité fondée sur la loi. C’est l’objectif principal des cours d’éducation civique, par exemple.
L’unité morale :
Comment construire une morale (un ordonnancement d’un système de valeurs) pour faire société ? Là aussi pour que ça fonctionne, ça ne peut être créé de facto, mais est le résultat d’autres dynamiques qui auront été mise en place et intégré.
Remarque :
Quand la question du coût prend une place prépondérante, il est possible de se retrouver à prendre des décisions judicieuses pour des raisons incorrectes (plus de peine alternative, non pas pour libérer les prisons et prendre en compte la question sociale, mais pour diminuer les coûts économiques).
Conclusion :
L’extrême difficulté et le paradoxe de l’intégration, vient du fait, qu’on ne peut créer du sentiment d’appartenance qu’avec de la règle. Ces même dynamique peuvent être vue comme l’exprime Horkheimer comme les conditions à travers les quelles, dans la société, les masses peuvent adhérer à un mouvement qui va les opprimés elles mêmes, et qui va à l’encontre de leur propre intérêt.
Pour conclure on peut donc observer que le processus d’intégration pour construire de l’affectif dans une société, par la structure sociale, nécessite un investissement important avec une incertitude quant à l’objectif et la finalité. L’intégration est un processus immaitrisable socialement qui est donc couteux et risqué lorsqu’il vient du haut (démarche Étatique). Le mythe de l’unité primaire, recherché dans ce besoin d’intégration, dissimule cependant une autre forme de structure sociale. En effet, il existe aussi des sociétés fondées sur un mythe de diversité. Dans ce cas, il ne s’agirait plus de faire de l’effort pour l’intégration, mais de faire un effort pour la symbiose. La symbiose n’est pas une somme de petite communauté, mais un ensemble de groupes dont chacun est dépendant des uns des autres, créant une interdépendance symbiotique.
Notre société oppose l’unité sociale à l’individu ou l’unité républicaine à la communauté, mais on ne pense pas (car non présent dans la culture occidentale) l’opposition de l’unité sociale face à une vision symbiotique (donc avec une forte interdépendance entre les communauté) pour laquelle dans chaque communauté, l’ensemble est extrêmement important. C’est pour le moment il me semble, des pratiques qu’on a pu apercevoir dans des micro société, mais qui peut être à repenser, à une échelle plus grande. L’Homo Sapiens a passé la majeure partie de son existence sur Terre dans une époque similaire au Symbiocène. Seule la révolution industrielle a permis à notre espèce de s’éloigner de la matrice de la vie. La croissance rapide de l’industrie, de l’agriculture et de la technologie au cours de la seconde moitié du XXe siècle s’est produite sans que l’on ait accordé une grande importance, voire aucune, au rôle essentiel de la symbiose dans la vie. Cependant, je constate que Pierre Kropotkine, dans l’Entraide (1906), avait considéré que la nature humaine et la nature animale ne pouvaient être réduites à l’égoïsme et à l’avidité. Il sera nécessaire que cette conception symbiotique se manifeste par l’émergence de nouvelles formes de gouvernance. Son objectif serait de gouverner la Terre par les habitants de la Terre, dans le but de préserver sa vie. Il serait donc possible d’établir un conseil de tous les êtres vivants, où seraient représentés les intérêts des diverses espèces, et ainsi renouer avec un sentiment fort d’appartenance à la vie terrestre.
Texte basé sur les cours de l’anthropologue Alexandre Duclos.
En complément avec la vision symbiotique, voici la vision du superorganisme