Le besoin de contrôle : un symptôme d’une société en mutation

Notre société connaît deux changements radicaux qui modifient profondément notre rapport au monde. D’un côté, nous avons un changement de paradigme de plus en plus court, et de l’autre une durée de vie et de temps professionnel de plus en plus long. La rencontre de ces deux points créée une sensation des plus anxiogènes pour l’être humain.

Un paradigme est une conception théorique dominante ayant cours à une certaine époque dans une communauté scientifique donnée, qui fonde les types d’explications envisageables et les types de faits à découvrir dans une science donnée. En clair, un paradigme est l’ensemble des visions théoriques qui créent notre rapport à la réalité.

 

Un exemple simple pour comprendre cela est la mode. Si vous regardez une photo de vous d’il y a vingt ans, il y a pas mal de chance que vous vous demandiez comment nous avions pu sortir dans la rue habillée comme ça. La réponse est simple, le paradigme de l’époque était différent. À l’époque des rois de France, la mode pour le roi était de porter un pantacourt, des chaussures à talons et un justaucorps. Si demain le président s’habille de cette façon, il y a de grande chance que ça fasse polémique, même chez les personnes les plus ouvertes.

Avant, le temps de travail d’une personne était plus court que maintenant et le temps de vie l’était tout autant.  En même temps, le temps de changement d’un paradigme était, lui, assez long : il y avait un changement de paradigme environ à chaque génération. Alors autant pour la mode un changement de paradigme peut être amusant, autant dans d’autres domaines, c’est plus sérieux et plus compliqué.

Ignace Semmelweis est un des grands hommes qui a changé la vie des femmes. Avant Pasteur, cet obstétricien a œuvré pour l’hygiène, convaincu que se laver les mains à l’hôpital limiterait la propagation de maladies et le nombre de mères qui mouraient en couches. À son époque, pourtant, Ignace Semmelweis n’a pas été entendu. Pour quelle raison ? Car si on apprend qu’à présent les mains propres sauvent des vies, ça veut dire alors que chaque médecin est responsable de la mort de nombreux patients, ce qui devient insupportable pour la génération de médecins qui pensaient bien faire jusque-là. Ce sont donc les jeunes générations qui ont mis ça en pratique en remarquant les effets bénéfiques de cette pratique acceptée partout depuis et vue comme évidente. Le changement de paradigme a pu se faire et a été intégré.

Seulement voilà, de nos jours les changements de paradigmes sont de plus en plus courts, de plus en plus rapide, alors même que nous travaillons et vivons de plus en plus longtemps. Ce qui veut dire que nous nous retrouvons tous à devoir faire des actions dans un monde qui change en permanence. Et aussi que nous comprenons de moins en moins, ce qui génère un stress de plus en plus profond. Imaginez que tous les matins tout le monde change de mode de vêtements et que vous devez imaginer alors qu’elle sera la tenue adaptée pour l’entretien professionnel que vous aurez dans une semaine…. Situation, il va de soi, assez anxiogène.

Et nous nous retrouvons alors avec deux choix : soit lutter pour continuer à faire comme avant, soit tenter de lâcher prise pour s’adapter. Évidemment, s’adapter une fois le lâcher prise fait demande moins d’énergie en fin de journée. Cependant ça entraîne un autre regard sur l’activité. Moins de protocoles théoriques à suivre à la lettre, mais plus de créativité pour pouvoir s’adapter

Cela demande alors une grande remise en question sur sa vision, son opinion face à une autre qui représentera la nouvelle dynamique. C’est-à-dire prendre en compte les 5 étapes du deuil dans le cadre de notre vie quotidienne. Cela se nomme en psychologie la résilience. Le mot “résilience” est physique. Il désigne l’aptitude d’un corps à résister à un choc. Appliqué aux sciences sociales, il a signifié : “La capacité à réussir à vivre et à se développer positivement, de manière socialement acceptable, en dépit du stress ou d’une adversité qui comporte normalement le risque grave d’une issue négative.” La résilience est un processus qui se met en place chez certaines personnes, leur permettant de rebondir, de « renaître » après un traumatisme ou une expérience négative…

Le traumatisme, c’est la déchirure du « moi » qui empêche de penser, qui arrête la vie psychique de la personne qui l’a vécu. La résilience est un processus de reprise d’un nouveau développement après une « agonie psychique ». Cette « agonie psychique » est une notion assez imprécise qui dépend des individus. Chaque individu a sa propre façon de réagir par rapport aux événements troublants, en développant une stratégie pour « tourner la page ».

La résilience découle d’une relation bienveillante avec soi-même, de capacités d’adaptation et d’expériences positives. Il existe un ensemble commun de caractéristiques qui prédisposent les personnes à des issues positives dans l’adversité :

  • La présence d’au moins une relation stable, aimante et soutenante. Le soutien en période de crise par un entourage est toujours bénéfique pour sortir de l’impasse dans laquelle on se sent enfermé. 
  • L’impression d’avoir du pouvoir et de la maîtrise sur sa propre vie (avoir le choix donne ce sentiment de contrôle). Se voir proposer un choix, c’est vivre un sentiment de liberté. Le véritable choix psychologique arrive à partir de 3. Avant, c’est un choix de survie donc c’est la pulsion de vie qui réagit. À partir de 3 choix il y a un véritable sentiment de choix psychologique qui pourra alors apaiser le mental. 
  • Se sentir appartenir à un groupe symbolique, à un groupe de personne partageant un ensemble de valeurs, donne aussi une stabilité et des conseils culturels qui peuvent justement nous aider à sortir du traumatisme vécu. 
  • La capacité à connaître et gérer ses émotions : plus une personne peut écouter et exprimer ses émotions, plus elle se sentira écoutée par elle-même et s’aimera plus profondément, ce qui peut aussi grandement l’aider. Nous fonctionnons comme les autres, nous aimons qu’on nous écoute et qu’on nous prenne en considération, c’est pareil avec soi-même.

 

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