Développement personnel ou voie spirituelle : choisir entre briller ou s’unifier [3]

Si l’on regarde les rayons de développement personnel, de spiritualité ou les chaînes Youtube, nous remarquons qu’il apparaît tous les mois un nouvel auteur qui se présente comme un guide remplit de sagesse pour pouvoir vivre mieux et en paix. Cela, dans une période où l’on vend le plus de médicaments antidépresseurs ou d’anxiolytiques. Comment pouvons-nous expliquer ce décalage ? Quelle est la profondeur de leurs messages, lus justement par une majorité de personnes en souffrance, qui ne semble pas avoir, pour la majorité, lue LA révélation attendue ?

 

Car effectivement, ces ouvrages, ces vidéos, qui poussent à développer notre singularité dans une direction, amènent, du coup, chaque lecteur dans une même vision. Et alors qu’une des promesses implicites est de pouvoir se démarquer, voir peut-être même, guider les autres, on se retrouve au milieu d’un groupe partageant les mêmes codes, le même vocabulaire. D’un côté rassurant (si je ne suis pas le seul à penser ça, c’est que je dois être dans la bonne direction) et frustrant (je ne suis au final pas si singulier, si différent des autres). Et ainsi, la place principale véhiculée des ouvrages de développer sa singularité, se retrouve confrontée avec le Réel. Ce qui crée une nouvelle souffrance. Ainsi, la population se retrouve concurrente entre elle-même dans une voie de sagesse, pour devenir le guide le plus performant et éclairé. Nous retrouvons ici la vision libérale qui a intégré la sphère spirituelle du développement personnel. Mais, comment faire alors pour ne pas avoir comme objectif de se démarquer en brillant des atouts que l’on a ? Comment s’unifier pour aller réellement vers notre essentiel et non de suivre au final une voie portée par une société rapporté dans ces multiples ouvrages ?

Voici une petite histoire pour expliquer notre rôle dans notre existence.

Il était une fois, il y a bien longtemps, dans un royaume, deux frères paysans qui voulaient absolument rencontrer le roi.  Ils se préparent et parcourent le pays en direction du palais. Une fois arrivés, ils se dirigent vers l’entrée et tombent sur un garde royal.

Ce dernier explique que l’on ne peut pas rentrer dans le palais, sauf si on est bien habillé pour faire honneur au souverain. Les deux frères, qui arrivent avec de vieux habits, qu’ils habitaient bien trop longtemps, ne peuvent donc pas rentrer vêtus ainsi. Ils se retrouvent donc bloqués devant le palais et tournent en rond pour voir comment dépasser cette épreuve.

 Puis voilà qu’un noble passe dans le coin et remarque nos paysans tristes et inquiets de ne pouvoir entrer. Il s’approche d’eux, demande pourquoi est-ce qu’ils veulent entrer dans le palais, puis, convaincu par les arguments, offre deux de ses plus beaux costumes.

Chaque frère en met un, puis ils se dirigent vers le garde royal. Celui-ci, voyant de belles et nobles tenus, avec des parures dorées, laisse entrer les deux hommes dans le palais. Ils traversent la porte et rentrent dans le Hall où est organisée une grande réception. Le premier explique à son frère qu’il a envie de voir ce qui se dit ici, alors que le deuxième poursuit son chemin en direction du trône.

C’est ainsi, que le premier frère passa, tout son temps à trainer et montrer sa sublime tenue aux convives plus ou moins en admiration, alors que le deuxième put exprimer au roi ce qu’il voulait tant partager.

 

Que nous exprime cette histoire ?

Pour les croyants, le roi, symbolise la direction divine, « le rendez-vous avec Dieu », pour les athées, nous pouvons mettre sur la figure du roi comme étant « le rendez-vous avec l’essentiel ». La tenue, c’est tous les outils que l’on t’a donnés pour entrer dans ce monde.  Les gens malins, utilisent la tenue pour aller voir l’essentiel et les autres, ils friment avec la tenue.

Nos qualités, nos talents, nos avantages, ne sont que des outils et toute la question au final, c’est de savoir ce que l’on a fait avec.  Alors, il peut y avoir une forme de destinée (divine pour les croyants, spinoziste pour les moins croyants) avec ce que l’on reçoit, de plus ou moins avantageux. Mais, ce ne sont que des outils. Et comment tout cela va être catalysé par le jeu de la liberté. Vais-je subir cette destinée, ou vais-je utiliser ce test-inné pour évoluer vers une grandeur bien plus importante que moi ? Vais-je me reposer sur mes lauriers (si l’or-y est, pourquoi continuer ?) ; où vais-je voir que ce n’est que de l’osier, et oser l’utiliser pour me dépasser ?

Au final, la question fondamentale est : vas-tu être acteur ou spectateur ? Le plus important n’est pas le décor, ni même le projet. Mais ce qui compte, c’est comment ce projet a fait de toi ce que tu es devenu. La sagesse, c’est donc de voir l’invisible derrière le projet, là où les autres verront l’extériorité du projet. Les gens qui voient l’extériorité du projet se retrouvent spectateurs, du coup pour eux le résultat du projet en lui-même devient une destinée. Mais à l’inverse, acteur, ce n’est pas simple, car être spectateur offre le confort, là où l’acteur pose la responsabilité.

 

Apprendre à ressentir La présence 

Le flux existentiel, « Dieu », « la Vie » (ou peu importe le nom que vous voulez lui donner) est parmi nous, mais nous ne le voyons pas. Nous le voyons que lorsqu’il se manifeste par des apparitions extraordinaires ou une lumière blanche. Mais pourquoi voulez-vous que Dieu, la présence de l’éveil, soit une lumière blanche ? C’est une pomme quand vous la mangez, de l’eau qui vous désaltère, le chant d’un oiseau qui vient à vos oreilles ! Pourquoi voulez-vous l’enfermer dans une espèce de boule abstraite ? Comment peut-on dire : « j’ai rencontré « Dieu » ? » Nous sommes en et autour de Lui. Nous sommes dans cette myriade d’aspects de Lui qui est « le palais des impressions ». Alors, posez de temps en temps cette part qui cherche la grandeur, pour ressentir en vous cette présence qui Est, et s’exprime autour de vous.

L’individu ne se rend pas compte qu’il est en formation dans une planète-école, cette planète-ci, la Terre. Ce n’est nullement une planète de souffrance ni une vallée de larmes, c’est une planète sur laquelle il faut jouer, jouer et apprendre à évoluer sans se prendre trop au sérieux. Arrêtons de nous croire extraordinairement avancés. Nous sommes à la conquête de quoi ? D’un royaume de rayonnement, de connaissance, de savoir, de pouvoir, à travers l’amour et l’être. Nous sommes de petits élèves, alors jouons, et cessons de nous prendre tant aux sérieux.
Apprenons à travailler dans le corps des choses, dans le détail, avec cette légèreté que peut avoir l’enfant qui apprend en jouant. L’occidental s’est séparé du mystère pour expliciter ou pour raconter le mystère. À nous de retrouver toute la mouvance.
Pour finir voilà une citation de Maître Eckhart : « Que ton Dieu ne soit pas le produit de ta pensée parce que, lorsque ta pensée disparaît, ton Dieu disparaît aussi. Que ton Dieu soit le produit de ta substance, parce qu’elle ne disparaît pas, elle se transforme. »

 

 

Pour poursuivre la réflexion sur l’évolution de la spiritualité voir : 

Politique et spiritualité : un lien profond souvent inconscient [4]