Gentillesse et douceur, deux démarches qui ont été subvertie.

Selon l’empereur et philosophe romain Marc-Aurèle, la gentillesse est considérée comme “le plus grand bonheur” de l’être humain. Pendant des siècles, des penseurs et des écrivains ont proliféré dans ce sens, mais aujourd’hui de nombreuses personnes considèrent ce plaisir comme hautement suspect.

On est parvenu à penser que l’homme n’est pas généreux de nature. La plupart d’entre nous sont convaincus que nous sommes une espèce très hostile les unes aux autres, que nos raisons sont égoïstes.  Le nouveau postulat postmoderne voit la gentillesse comme du narcissisme dissimulé : nous sommes gentils parce que cela nous procure du bien ; les gens gentils sont des personnes droguées par l’auto approbation. Nous pouvons ajouter à cela le fait que la gentillesse est bien souvent confondue avec un côté « gentillet » un peu fade. « Cessez d’être gentils, soyez vrais » clame le consultant Thomas d’Ansembourg. C’est effectivement l’objection que l’on oppose le plus généralement à la gentillesse : “avec elle, on chercherait le consensus, alors que les organisations ont un besoin criant de lucidité pour voir ce qui ne va pas, et de courage pour le dire et le faire accepter“.  

 

À la source de la gentillesse

Le mot gentillesse englobe des émotions que l’on appelle aujourd’hui solidarité, générosité, altruisme, humanité, compassion, pitié, empathie – et qui étaient autrefois appelées philanthropia (amour de l’humanité) et caritas (amour du prochain ou amour fraternel). Le sens exact de ces termes diffère, mais ils renvoient tous en général à ce que l’on nommait à l’époque victorienne « grand cœur » [open-heartedness], la disposition à l’égard de l’autre. Le philosophe allemand Theodor Adorno affirmait que le désir de rompre cet éloignement est plus répandu que l’éloignement entre les individus, ce qui signifie que la distance que nous gardons envers les autres nous procure une sensation de sécurité. Les différentes manières dont l’homme exprime son désir d’aller vers l’autre sont illustrées par l’Histoire, allant des célébrations traditionnelles de l’amitié aux philosophies de l’action sociale du XXe siècle, en passant par les enseignements chrétiens de l’amour et de la charité. Elle met également en lumière notre écart entre nous et notre capacité à aimer les autres est entravée par des peurs et des rivalités aussi anciennes que la gentillesse elle-même.

Dans son ouvrage, Éloge de la gentillesse, Emmanuel Jaffelin, ancien diplomate en Amérique du Sud, encourage l’émergence d’une nouvelle éthique. Il y prône une éthique de “gentilhomme” qui repose sur cette “vertu mineure” qu’est la bienveillance, mais qui définirait une morale plus accessible que les normes trop strictes de la sainteté. Par conséquent, selon E. Jaffelin, la gentillesse possède une efficacité spécifique : « Sans nous transformer en Jésus ou en superhéros, elle a le pouvoir de nous élever un peu, de nous renforcer, en faisant un minimum d’efforts ». En outre, en raison de son altruisme, la bienveillance mériterait, d’un point de vue éthique, d’éviter toute instrumentalisation ou marchandisation.

 

L’humanité à un rapport complexe et ambigu avec la gentillesse

Au cours de la majeure partie de l’histoire occidentale, le christianisme a été la tradition dominante en matière de bienveillance (ou de miséricorde), sacrifiant les instincts de l’humain et en faisant le fondement d’une foi universaliste. Pendant des siècles, la charité chrétienne a joué un rôle essentiel en rassemblant les individus en une société. Le commandement chrétien « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » est confronté à l’individualisme à partir du XVIe siècle. Le texte fondateur du nouvel individualisme, le Léviathan de Thomas Hobbes (1651), mettait en évidence l’absurdité psychologique de la bonté chrétienne. Hobbes considérait que les hommes étaient des animaux égoïstes qui ne se préoccupaient que de leur propre bien-être, et que l’existence humaine était « une guerre de tous contre tous ». Ses opinions prendront du temps à s’imposer, mais à la fin du XVIIIe siècle, elles sont devenues l’orthodoxie – malgré les efforts de Hume et d’autres. Il semble que deux siècles plus tard, nous soyons tous hobbesiens, persuadés d’être guidés par l’intérêt personnel. La bienveillance suscite de la méfiance, et ses actions publiques sont perçues comme moralistes et affectueuses. Nelson Mandela Gandhi ou l’abbé Pierre, sont soit considérées comme des saints, soit accusées d’être des hypocrites intéressés. Il est peut-être admirable de donner la priorité aux besoins des autres, mais il n’est certainement pas normal.

La gentillesse est périlleuse parce qu’elle repose sur une sensibilité aux autres, sur une capacité à s’identifier à leurs plaisirs et à leurs souffrances. Le fait de se mettre à la place de l’autre est extrêmement inconfortable, voire impossible. Or, bien que les plaisirs que procure la bienveillance, comme tous les grands plaisirs humains, soient par nature complexes, ils font partie des choses les plus agréables que nous ayons. Le manque de bienveillance témoigne d’un manque d’imagination si sérieux qu’il représente une menace pour notre bonheur et notre santé mentale. Selon Jean-Jacques Rousseau, prendre soin des autres est ce qui nous rend vraiment humains. La dépendance mutuelle est essentielle non seulement pour notre survie, mais également pour notre existence.

La société occidentale contemporaine refuse cette vérité essentielle et privilégie l’indépendance. Cependant, nous sommes tous naturellement des individus dépendants. En est convaincue la pensée occidentale tout au long de son histoire, ou presque. Même les stoïciens – ces représentants de l’autonomie – admettaient que l’être humain avait un besoin naturel d’être pourvu et accueilli par autrui. L’individualisme est une tendance relativement récente. Les Lumières, qui sont généralement perçues comme le point de départ de l’individualisme occidental, étaient en faveur des « passions sociales » contre les « intérêts personnels ».

L’un des symboles des individualistes modernes, Charles Darwin, refusait même avec force l’idée que le genre humain était fondamentalement égoïste, affirmant l’existence chez lui d’instincts altruistes aussi puissants que les instincts égoïstes. En 1871, il soutient que la bienveillance et la coopération sont innées chez l’homme et jouent un rôle essentiel dans le succès de l’évolution. Darwin soutenait la gentillesse en se basant sur des arguments scientifiques plutôt que religieux.

 

Limite à la gentillesse ?

Néanmoins : aujourd’hui, presque tout le monde est d’accord avec Nietzsche pour dénoncer la mauvaise conscience des philanthropes du XIXe siècle. Il n’y avait pas non plus de rivaux pour ces bons samaritains à l’époque : d’Oscar Wilde, qui exécrait « l’écœurante litanie hypocrite du devoir », aux radicaux et aux socialistes, bien décidés à substituer la charité à la justice, la bienveillance de l’élite aux droits universels. En politique et en management, comme en finance, la gentillesse, sous le terme de bienveillance peut être utiliser comme posture rhétorique pour prendre une posture paternaliste et ainsi censurer ou museler toute contradiction, étant donné “que ce qui est fait est fait pour notre bien.” Personne n’a jamais dit que la gentillesse refuse l’opposition. Il arrive en effet que la personne gentille ait besoin de s’opposer, parce que le bien visé n’est pas forcément compris ni accepté. La véritable gentillesse n’est pas frileuse : elle sait se montrer combative s’il le faut. À contrario, une gentillesse inoffensive peut se révéler une forme de démission. Si la bonté vise un bien difficile, alors viendra forcément le moment de s’exposer pour le défendre.

 

S’offrir le bonheur d’être gentil

Quel bonheur quand on peut rendre quelqu’un heureux avec des petits gestes. Même s’il peut sembler sans importance, un geste de gentillesse est toujours le reflet d’un service que l’on rend à quelqu’un. C’est l’attitude de celui qui veut vivre dans l’amour, avec gratitude et générosité. En étant bon, on s’offre la joie de répondre aux besoins d’une autre personne. On met ces besoins au-dessus de ses propres besoins. Et la rencontre prend un autre aspect. Dire des choses agréables aux autres, être bon avec autrui et avec nous-mêmes, cela s’apprend. Pour cela, il faut laisser aller notre cœur, tout simplement.

 

 

Pour nourrir et construire la gentillesse, la douceur y est primordiale.

 

La douceur est une énigme… Incluse dans un double mouvement d’accueil et de don, elle apparaît à la lisière des passages que naissance et mort signent. Parce qu’elle a ses degrés d’intensité, parce qu’elle a une force symbolique et un pouvoir de transformation sur les êtres et les choses, elle est une puissance.

 

  De nos jours la douceur nous est vendue sous sa forme frelatée de mièvrerie. L’ère du cynisme vante l’efficacité en toute chose ; les qualités doivent être opérationnelles immédiatement. L’époque, pour la méconnaître mieux, l’exalte dans l’infantile ou la niaiserie. C’est ainsi que l’on tente de venir à bout des hautes exigences de la subtilité non plus en les combattant mais en les pervertissant. Rien n’échappe à cette force de perversion, surtout pas le langage:

“Evaluation” pour notes, “pôle emploi” pour agence de chômage, “plan de sauvetage” pour vague de licenciements. Ces retournements de sens sont pervers. C’est vrai, on ne censure plus frontalement les gens, mais on les conduit à la faire eux-mêmes, à ériger leurs propres barrières. Dans ces conditions, plus personnes ne peut plus faire le mur. Si on vous dit: “c’est interdit de sortir, vous trouverez le moyen de vous échapper. Mais si on vous dit que sortir est dangereux pour vous et vos enfants, en vous incitant à vous protéger, vous n’allez pas sauter la barrière que vous avez construite vous-même !

C’est redoutable pour la liberté et l’autonomie des êtres. On a affaire à une censure qui revêt les habits de la douceur qu’elle combat…

La vraie douceur, elle, est une énigme. Elle est une qualité dont les registres infinis vont au-delà même du règne du vivant. La douceur suppose la reconnaissance de la vulnérabilité de ce qui est approché, touché, embrassé ; comme la caresse, elle n’est pas étrangère à l’éros ni à la pensée.

 

Jacques Munier préface l’idée de la douceur :

 Ça peut sembler paradoxal, parler de puissance à propos de la douceur. On peut le dire autrement avec l’empereur stoïcien Marc Aurèle : « La douceur est invincible ». Car si l’on y réfléchit bien, et si l’on se reporte un instant à ses souvenirs d’enfance, on retrouvera cette force insaisissable, ce pouvoir de persuasion et d’enchantement, ce mouvement d’accueil et de don à la fois, cette langue intime qui s’adresse tout autant à l’esprit et au corps. La douceur tisse autour de l’enfant un halo de sens informulé mais pénétrant, dans une constante réciprocité qu’illustre au mieux l’image du petit endormi, qui nous renvoie nous-mêmes à cet abandon initial dont nous provenons. De cet échange muet, nous conservons à jamais la trace, celle de toutes les métamorphoses, dans les moments de fragile incertitude où nous développons nos potentialités.

 « Si la douceur était un geste, elle serait caresse » imagine Anne Dufourmantelle, en rappelant les propos d’Emmanuel Levinas : « La caresse consiste à ne se saisir de rien, à solliciter ce qui s’échappe sans cesse de sa forme vers un avenir… ce qui se dérobe comme s’il n’était pas encore. » C’est ce qui fait de la douceur un lien direct entre les corps, la parole inarticulée de la sensibilité, la pointe avancée du tact. Ou encore, nous dit Anne Dufourmantelle « une activation du sensible en intelligible. Sans elle y aurait-il un passage possible entre ces ordres ? »

 La douceur s’oppose à la passion et – je cite la psychanalyste « au jeu de miroirs narcissiques qu’elle engage ». En ce sens, et comme les Grecs l’avaient inscrit dans la langue, elle est le contraire de l’hubris, la démesure de celui qui est en proie à ses pulsions. Le terme proates signifie d’ailleurs à la fois douceur et amabilité, il fait signe d’emblée vers la question de l’ « être ensemble », le premier cercle de l’éthique et du politique. Cela dit, le véritable contraire de la douceur n’est pas la brutalité ou la violence mais plutôt la mièvrerie, qui serait une douceur sans puissance et sans relief, une contrefaçon prévient Anne Dufourmantelle, qui la pervertit en la mimant, de même que « toutes les formes de compromissions, de suavité frelatée, de bouillie sentimentale ».

 La douceur anime une nébuleuse où gravitent mansuétude et amour indulgence et pardon, harmonie ou pitié, soin et souci de l’autre – ce que les anglo-saxons ont nommé le « care ». Et il est vrai que le soin a toujours été associé à la douceur, qui même si elle ne suffit pas à guérir, si elle ne s’autorise d’aucun pouvoir ni savoir, ajoute au soin une relation de compassion qui revient à souffrir avec l’autre, à reconnaître par là-même sa propre vulnérabilité, mais à éprouver la souffrance d’autrui en se gardant d’y céder, de manière à porter secours.

   

Et la puissance dans tout ça ?

 Anne Dufourmantelle revient sur la notion aristotélicienne de puissance comme potentialité par rapport à ce qui est en acte, un passage qui implique une transformation, voire une métamorphose et on a vu que la douceur était nécessaire au processus qui peut supposer une certaine dose de violence, comme dans l’enfantement. Mais au-delà, la douceur représente une force de résistance symbolique prodigieuse, comme le montre l’exemple des saints et de leur martyre édifiant tout au long des siècles. Les mystiques rhénans qualifiaient de « suavitas » la puissance de Dieu, qu’ils désiraient retrouver jusque dans le néant. Plus près de nous s’impose la figure de Gandhi, qui a opposé au pouvoir colonial l’opiniâtre et finalement victorieuse résistance de la non-violence. On peut rappeler que l’une de ses sources d’inspiration était La désobéissance civile, le livre de Thoreau. Et Nietzsche lui-même, le penseur de la volonté de puissance, exalte dans Ecce Homo la douceur comme une redoutable force de résistance. « La douceur – ajoute l’auteure – est un rapport au temps qui trouve dans la pulsion même du présent la sensation d’un futur et d’un passé réconciliés, c’est-à-dire d’un temps non divisé ».

 Evidemment, la douceur a aussi sa face cachée. S’abandonner à la mélancolie peut facilement en tenir lieu, que cette douceur soit réellement absente ou réellement fantasmée. « Il n’est pas toujours doux de vivre – conclut l’auteure – Mais la sensation d’exister appelle la douceur », comme dans cette image inoubliable de la Dolce Vita où Anita Ekberg s’avance tout habillée dans les bassins de la fontaine de Trevi, image – je cite « d’une vie qui invite à la douceur, mais aussi à la folie, à la liberté dansante et à la sensualité » Nomen dulce libertatis, disait Cicéron, le doux nom de la liberté.

 

La douceur est une vertu tournée vers l’autre

Saint Thomas d’Aquin en parle lorsqu’il étudie la vertu de tempérance et la définit comme mansuétude, ce pare-feu contre les braises de la colère comme passion. Cette douceur n’est pas simplement un remède contre quelque chose de mauvais, ce qui demeurerait une arme contre l’irascible à conquérir. Elle est aussi la qualité de celui qui, sans se lasser, fait preuve de délicatesse envers les autres. Aussi ne surgit-elle point comme un bon diable de sa boîte uniquement en période de tension ou de crise. Comme toute vertu, elle est un équilibre, celui entre la mollesse et la violence. Il serait bon de nous en souvenir, dans la vie familiale et relationnelle, mais encore dans la vie politique et sociale. Bien des décisions nécessaires et douloureuses peuvent être prises par douceur, évitant ainsi les pièges de la démission et de l’irascibilité. La douceur est ce qui met à mal les habitudes perverses du monde qui ne vit que par l’orgueil. Chacun est appelé à devenir ce doux et à recevoir en héritage la paix et la quiétude. Le doux n’est pas ni une personne accommodante ni un lâche ni une personne faible qui trouverait une « morale de fortune pour éviter les ennuis ». C’est une personne ayant appris à défendre la paix, et cherchant à préserver la beauté, l’adelphité , la confiance, l’espérance.

 

Comment reconnaître la douceur ?

Par la volonté, on peut devenir calme. Pas doux. Car la douceur ne joue pas les faux-semblants, elle est la manifestation de notre état intérieur, « l’élargissement de notre être », ajoute Anne Dufourmantelle, philosophe et psychanalyste*. Si elle n’est pas incarnée, cette perle sacrée est vide de toute substance. « Une caresse peut transporter de l’agressivité, contenir du mal-être ». C’est un feu d’artifice d’émotions mêlées à des sensations. La douceur est enveloppante, moelleuse, irradiante, fondante. Elle est plénitude. « Elle connecte notre corps d’adulte à notre corps de nourrisson mais aussi au monde utérin », observe Anne Dufourmantelle. Le toucher n’est pas sa seule voie. Elle se manifeste aussi par un regard, une posture, une intonation, une attention. Si, d’après la psychanalyste, on ne peut pas la décorporiser, elle se manifeste là où elle est autorisée. Marc est plutôt accolade que câlin avec ses enfants. Dans l’éducation qu’il a reçue, le toucher était proscrit. Pas assez viril. Il se sent doux quand il leur raconte une histoire ou quand il les emmène à la pêche. Et si la douceur naissait de la caresse ou de la situation elle-même ? La douceur est une façon de regarder le monde et de parvenir à s’y ajuster.

 

Pourquoi sommes-nous inégaux devant la douceur ?

En accédant à la douceur, Valérie imagine qu’elle perdrait sa « forte personnalité », son côté « battant », son identité-même. Comment être dans la douceur tout en restant protégé ? Dans ce monde de performances, où nous sommes sur tous les fronts, n’est-elle pas inadéquate, voir un handicap ? Au contraire. ‘’La douceur, c’est la  plénitude de la force’’, pour reprendre Alphonse Gratry, prêtre et philosophe. La douceur est puissante car elle est désarmante. Elle apaise celui qui la donne, adoucit celui qui la reçoit. Difficile d’incarner la douceur quand on a l’impression de ne pas l’avoir reçue en héritage, d’une mère, d’un grand-père ou d’une nounou. Pourtant, elle existe en chacun de nous. L’enfant est porteur d’un « noyau sain » dès les premiers instants de la vie. C’est dans son histoire, quand les obstacles à exprimer ses élans sont trop nombreux, qu’il se coupe et se durcit pour protéger le « doux » et le « fragile ». « Petit à petit, le noyau vivant se cache derrière des couches de protection émotionnelle (je ne sais plus pleurer) et corporelle (j’ai le thorax bloqué). Ces ‘’armures’’ servent de protection en situation de survie. Mais elles deviennent prison quand on veut les déposer. On n’en a plus besoin mais elles persistent en lien avec une souffrance profonde  ».

 

Comment recontacter  notre douceur ?

Recontacter cette douceur primaire, rouvrir cette partie enfouie au plus profond de soi, passe alors par le lâcher-prise et l’acceptation d’une certaine vulnérabilité. Ça suppose l’abandon. Comment préserver cette douceur émergente ? En l’accueillant quand elle survient. En la nourrissant. En lui laissant l’espace et la respiration dont elle a besoin. En lui offrant la lenteur. « Pour moi, la douceur est présente quand je suis dans l’instant, en communion avec la pulsation du vivant et en lien avec ce qui m’entoure », confie une personne. Pour une autre c’est « une forme de sérénité intérieure, de plaisir à être soi et à sa place ». Ce que Freud appelait le ‘’sentiment océanique’’, « cette expérience de joie intime, ce moment de grâce qui nous dépasse ». Cela suppose d’être « en amitié avec son corps et de le relier avec l’émotion et la pensée » préconise Anne Dufourmantelle. La méditation de pleine conscience est un chemin de retrouvaille, le seau qui permet de puiser au fond de soi l’eau pure et régénérant. De s’éveiller à soi-même ». Au fond peut-être que se reconnecter avec sa douceur, c’est aussi se reconnecter avec sa sécurité intérieure.

 

La douceur imprègne toute notre existence, ceci malgré la violence, le mal qui défigurent le vivant. La douceur de vivre préférable à la fureur de vivre, n’appartient qu’aux doux, non pas aux mous et aux lâches mais à ceux qui embrassent d’abord l’enchantement de vivre plutôt que ses plaisirs personnels. Il suffit parfois d’une unique douceur dans toute une vie pour lui donner un sens, comme le Petit Prince de Saint-Exupéry dans la solitude de sa planète contemplant les couchers de soleil. Même le retors politique, décrit dans Le Prince de Machiavel, doit plutôt gouverner par la justice et la douceur que par la violence et la barbarie. La douceur emporte ce que la colère et l’impatience perdent.

 

Source :

Anne Dufourmantelle  ‘’Puissance de la douceur’’ (2013, Payot)

la gentilesse une vertu de perdants ou un signe de sante mentale ?

 

“Mieux vaut être violent, lorsque la violence emplie notre cœur, plutôt que de revêtir le manteau de la non-violence pour dissimuler notre impuissance. Mais je m’oppose à la violence, car lorsqu’elle semble engendrer le bien, le bien qui en résulte est toujours transitoire tandis que le mal produit est permanent.” Gandhi.