Il est important de bien différencier la science qui est un domaine d’étude et les scientifiques qui sont les personnes qui les utilisent. La science comme de nombreux outils n’est ni bonne, ni mauvaise ni dangereuse toutes ces questions se posent sur ce que fait les personnes : les scientifiques de la science.
Durant des siècles, les hommes cherchaient la réponse à une question que tout le monde se pose, qui est “pourquoi”. L’homme se pose ainsi des questions qui relèvent de la recherche de sens, c’est-à-dire se demande pourquoi il est sur Terre, pourquoi il est mortel, pourquoi… Pour tenter de répondre à cette question, il a la religion, l’ontologie, la philosophie qui l’aide à se placer dans le monde et à lui donner des bribes de réponse sur le sens de la vie et de l’existence. Puis est arrivé le Siècle des Lumières qui a amené une recherche de rationalité évinçant peu à peu les questions de sens pour une démarche plus scientifique. En se basant sur la raison de nombreux philosophes, ce sont dit que le pourquoi est une question sans réponses la bonne question doit être le comment ? Question à laquelle la science a promis de donner une réponse à chaque fois.
Pour approfondir :
Cette différence vient du fait que le savoir et la pensée en général en occident peuvent se diviser en 3 styles.
- La pensée scolastique : c’est-à-dire analyser le monde tel qu’on le perçoit (qui apporte des courants tels que le béhaviorisme qui ne s’appuie que sur ce qui est purement visible). Décris le monde sensible, monde accessible par les sens, que l’on voit, entend, ressent au toucher, qui donne un type de connaissance particulier.
- Le monde basé sur des concepts, sur une rationalité, une mécanique reposant sur une méthode déductive par un raisonnement logique indépendant de l’expérience. Le monde de la réflexion, de l’intellect, accessible par le biais des connaissances humaines.
- Pour terminer le monde des affects : « Le monde des esprits », qui échappe au sens concret, au raisonnement. Laisse des traces qui viennent de l’extérieur d’une connexion à d’autres sphères : le monde spirituel. Monde indécomposable
Prenons un exemple pour présenter le scientisme : Einstein inventa la théorie de la relativité à partir de principes, qui ne sont pas la conclusion d’une expérience scientifique. Ces postulats (principe non démontré que l’on accepte et que l’on formule à la base d’une recherche ou d’une théorie) sont arbitraires d’un point de vue scientifique, mais ont des conséquences raisonnables d’un point de vue physique pour une certaines gamme de situations. La relativité apportera cependant des progrès dans la compréhension de l’univers. Le scientisme c’est d’oublier cette restriction ou de penser qu’elle n’existe pas, là débute la croyance.
Le scientisme utilise une acception restreinte de la connaissance comme étant seulement une forme de savoir. Il rejette comme inutile ce qui est inopérant en tant que preuve. Cela détruit le terreau des idées fondées sur un autre cadre tout aussi important pour investir le monde et les idées. Une connaissance dépend d’un sujet observant et du rapport qu’il entretient avec le monde, il n’a rien à voir avec une preuve matérielle. La philosophie et la métaphysique peuvent constituer des connaissances. Par contre, toute affirmation fondées sur des preuves matérielles est un savoir.
Une connaissance matérielle repose sur des preuves matérielles, et qu’une connaissance immatérielle (ex : mathématiques) repose sur des preuves (démonstrations) immatérielles. Les mathématiques en eux-même n’ont pas besoin du réél. Faire des maths, c’est ce définir un schéma d’axiome et jouer avec. Il est donc important de savoir différencier la démarche scientifique qui peut être rationaliste (basé sur la logique et le raisonnement) ou empiriste (qui se résume l’expérience physique, une bonne illustration en est la zététique). Je vous conseille un article ici pour voir comment par exemple la religion peut être scientifique dans une démarche rationaliste.
“Les mathématiques se distinguent des autres sciences par un rapport particulier au réel car l’observation et l’expérience ne s’y portent pas sur des objets physiques. Elles sont de nature entièrement intellectuelle, fondées sur des axiomes déclarés vrais ou sur des postulats provisoirement admis.” (Wikipedia)
Exemple : intersection de polyèdre dans un espace de dimension quelconque. Vous allez me dire “intersection” c’est du réel. Oui. Mais ce n’est qu’un mot qu’on utilise pour qualifier un concept mathématique abstrait. On utilise un mot qui a sens pour faciliter la compréhension. Mais l’objet mathématique lui-même est indépendant des mots (et même des symboles) choisis pour le représenter. Il faut garder cependant en tête que dans le cas des mathématiques appliqué ce schéma d’axiome est choisi pour correspondre à une modélisation du monde réel.
Le terme de scientisme a été employé pour la première fois par le biologiste Félix Le Dantec dans un article paru en 1911 dans la Grande Revue :
« Je crois à l’avenir de la Science : je crois que la Science et la Science seule résoudra toutes les questions qui ont un sens ; je crois qu’elle pénétrera jusqu’aux arcanes de notre vie sentimentale et qu’elle m’expliquera même l’origine et la structure du mysticisme héréditaire anti-scientifique qui cohabite chez moi avec le scientisme le plus absolu. Mais je suis convaincu aussi que les hommes se posent bien des questions qui ne signifient rien. Ces questions, la Science montrera leur absurdité en n’y répondant pas, ce qui prouvera qu’elles ne comportent pas de réponse. »
Une autre définition plus récente dans l’ouvrage de Marie-Hélène Parizeau, Biotechnologies, nanotechnologies, écologie, entre science et idéologie (éd. Quae, 2010)
« Le scientisme affirme qu’en dehors de la connaissance scientifique, aucune autre forme de connaissance n’est légitime, car seule la connaissance scientifique est positive et vraie. C’est une forme de réductionnisme où seules les connaissances valides sont scientifiquement prouvées, le reste étant irrationalités, croyances ou idéologies. Se trouvent ainsi disqualifiés d’emblée les savoirs traditionnels des populations autochtones ou encore ceux des “non-scientifiques”, les savoirs populaires et les savoirs paysans. »
Pour approfondir :
Pour définir le scientisme, il me semble important de distinguer deux ou trois choses très différentes : le positivisme, tel qu’il a existé au XIXe siècle, l’objectivisme tel qu’il existe, par exemple en médecine et le « néo-scientisme », tel qu’il existe actuellement. Il faut bien voir que ces trois « courants » sont diverses expressions d’une même évolution des savoirs : rationalisation du savoir d’une part et monopole du « vrai » qui est dit sur le monde détenu par les sciences en tant que savoirs légitimes et rationnels.
Le positivisme, c’est de ne pas faire de différences entre le monde « supra-lunaire » et le monde « sub-lunaire ». C’est une distinction aristotélicienne que j’aime bien parce qu’elle est assez imagée comprendre. Le monde supra-lunaire, c’est les astres, ce qui suit des lois strictes, vraies en tous lieux et en tout temps. Dont on peut prédire l’évolution avec les savoirs adéquats, etc. Le monde sublunaire, c’est ce qui n’obéit pas à ces lois si rigoureuses. En tant qu’humains ou animaux, on échappe aux lois « mathématiques ». Outre Comte, en sociologie, il y a Gabriel Tarde qui est net sur ce point : il y a une continuité entre l’astronomie, la biologie, la psychologie, la sociologie, etc.
L’objectivisme, quant à lui, est plus directement lié aux sciences de l’homme. C’est le considérer comme un objet. En médecine, on guérit un organe ou un corps, pas un homme. En médecine, on ne demande pas au patient s’il va bien, on regarde ses constantes, c’est bien moins traître. L’objectivisme, ce n’est pas l’objectivation qui est un processus propre à chaque science : on construit son objet, on le délimite, etc. (Qu’appelle-t-on un atome ? Qu’est-ce qu’un homme ? Qu’est-ce qu’une société ? Voilà plein de questions qui nécessitent une objectivation pour fonctionner, c’est-à-dire produire un discours sur leur « objet »). L’objectivisme, lui, est une forme de réification. C’est-à-dire qu’on prend vraiment les gens pour des objets. Qu’on pense vraiment pouvoir tout expliquer des gens comme s’ils n’avaient aucune singularité. Aucune spécificité, aucun caractère propre.
Le néo-scientisme, quant à lui, est marqué par l’illusion de sa toute-puissance. On a tout expliqué ou on pourra tout expliquer. Tout est connaissable. On est des dieux : on peut cloner des hommes, les créer de toute pièce, on peut les manipuler comme bon nous semble, etc. Le cas le plus marquant, pour moi, ce sont les neurosciences. Elles donnent l’illusion que le cerveau est rempli de choses et qu’une électrode bien placée peut permettre de lire dans les pensées. Les idées seraient presque « matérielles », incluses dans les neurones. Si on cherche bien, on peut les trouver. Et bien entendu, ce néo-scientisme n’admet pas les sciences humaines : elles sont molles, herméneutiques, donc leur méthode n’est pas scientifique, trop variable, etc.
Le scientisme, constitue une ontologie (religion sans métaphysique) de substitution : « La Science » devenant une sorte de base tutélaire de l’humanité… Pour les scientistes, il est donc nécessaire de combattre partout les irrationalités, croyances ou idéologies qui font de l’ombre à la rationalité. « La Science » devenant une sorte de base tutélaire de l’humanité… Il appartient aux scientifiques de faire avancer la connaissance pour l’humanité en son ensemble, comme il appartient à chacun d’entre nous d’approfondir ses connaissances par désir d’apprendre. Sans se leurrer l’un l’autre sur les dangers liés à l’exploitation de la science. » Alexandre Moatti, Alterscience, postures, dogmes, idéologies.
Comme toute idéologie, toute critique des doctrines scientifiques est identifiée par les scientistes à une « mauvaise compréhension » des théories scientifiques. Sous-entendu, quand on a compris ces théories, on les accepte bien volontiers (supprimant ainsi la possibilité d’une vison autre, différent de la sienne). C’est une manière de disqualifier a priori la critique en la traitant de haut, supprimant ainsi la possibilité d’une vison autre, différent de la sienne.
Ensuite, viens le problème du fait que les gens fétichisent trop LA « Science ». Comme si elle était une et unique. Comme s’il n’y avait qu’une méthode, comme s’il n’y avait pas de conflits entre scientifiques, comme si « la » science ne se trompait jamais. Le scientisme commence là, pour moi, dans ce fétichisme de LA science. Il y a des sciences, des méthodes, des énoncés que l’on peut dire « vrai », mais il n’y a pas de « Science » au sens où elle remplacerait presque Dieu. Il faut avoir foi dans la science, dans le progrès, la science a toujours raison, etc.
Les sciences, même dures, sont des discours rationnels plus fiables que la moyenne. Plus « vrais » dans leur adéquation aux « faits ». Dans leur saisie de l’objectivable. Ce qui ne veut pas dire que ce soient les discours, les plus raisonnables, les plus sages (d’où la bioéthique, par exemple certes, on sait cloner les gens, mais est-ce bien raisonnable ?), les plus « vrais » dans l’absolu : une dépression n’est qu’un dysfonctionnement hormonal, la personne ne produit plus assez de sérotonine, dopamine, etc. Oui, c’est vrai. En attendant, la souffrance, en tant que dépressif, n’est pas conçu comme ça. La douleur, ce n’est pas juste des hormones, c’est un ressenti. Ce ressenti est « vrai » aussi. Sans ici rentrer dans les pourquoi de la dépression qui outre une explication hormonale peut trouver des explications sociales et spirituelles qui n’intéressent pas LA science.
REMARQUES pour nuancer tout cela :
Il est cependant important de noter que nous pouvons également avoir une mauvaise perception de la science et des scientifiques pour des raisons inappropriées. Il est particulièrement important d’examiner comment la figure du scientifique et de la science est mise en avant dans la culture populaire. Pour approfondir cette interrogation, je vous encourage à visionner cette vidéo.
une conférence sur la relation : confiance / science :
Voir ici la pertinence de la science dans notre rapport à l’information