L’utilisation du concept de postmodernité se manifeste comme un mouvement qui englobe la culture, l’art, la philosophie et la littérature en opposition au mouvement moderne. L’une des caractéristiques de cette époque qui a marqué un avant et un après dans la société est l’absence d’idéologie globale et structurante définie.
Regard sur le passage de la modernité à la postmodernité :
La culture moderne se manifestait avant tout pour son droit au progrès, c’est-à-dire que chaque développement qui sera généré par diverses avancées, que ce soit au niveau technologique ou culturel, apporterait à l’ensemble de la société un développement et ce développement apporterait à son tour l’expérience d’un avenir idéal et meilleur. La modernité, a été portée par les Lumières et la Révolution via la rationalité transformatrice du monde. Cependant, certaines de ces transformations ont finalement conduite aux grands désastres du XXe siècle. Ainsi, les post-modernes se situent dans la perspective de surmonter le désenchantement du monde. Après le relativisme scientifique (la science peut aussi créer le pire), la crise de l’idée de progrès (par la destruction des utopies), l’humanité se retrouve confrontée aux faillites écologiques, économiques et sociales.
Le postmodernisme désigne une ontologie, une relation au monde qui prends en compte un changement de point de vue qui s’est produit dans différentes disciplines, telles que les sciences sociales, l’art, l’architecture, la littérature, la mode, les communications, la technologie. Il est communément reconnu que le postmodernisme a débuté à la fin des années 1950 et qu’il continue sans doute encore. Les transformations du pouvoir et la déshumanisation de l’après-Seconde Guerre mondiale, ainsi que l’émergence du capitalisme de consommation, peuvent être liées au postmodernisme. Le postmodemisme se veut d’abord une pensée du discontinu et de la différence. Les nouvelles formes de luttes sociales se retrouve, se structurent et regroupent (luttes intersectionnelles), avec pour objectif de déconstruire les impasses du mythe moderne limité. Cette dynamique basé entre autre sur le courant structuraliste (de Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Jean Baudrillard, Jacque Lacan ou encore Levis Strauss) puis poststructuraliste, fait émerger le mouvement postmoderne.
Confrontation idéologique entre la modernité à la postmodernité :
En essayant de résumer les aspects structuraux qui distinguent la modernité de la postmodernité, on pourrait souligner certains aspects :
Une critique de la rationalité :
La vision philosophique moderne :
- La raison et la logique, ainsi que les outils plus spécialisés apportés par la science et la technologie, permettent aux hommes de se transformer eux-mêmes et de transformer leurs sociétés pour le mieux. Les sociétés futures devraient être plus humaines, plus équitables, plus éclairées et plus prospères qu’elles ne le sont actuellement.
Dans le postmodernisme :
- Cette croyance des Lumières en la science et la technologie comme outils du progrès humain est niée par les postmodernistes. Effectivement, plusieurs postmodernistes avancent que la recherche maladroite (ou non orientée) de la connaissance scientifique et technologique a entraîné l’émergence de technologies de tuerie à grande échelle durant la Seconde Guerre mondiale. D’autres vont jusqu’à affirmer que la science et la technologie – et même la raison et la logique – sont elles-mêmes destructrices et oppressives, car elles ont été employées au XXe siècle, pour détruire et opprimer les autres.
Un déterminisme culturel :
La vision philosophique moderne :
- L’universalité de la raison et de la logique signifie que leurs lois sont les mêmes pour tout penseur et dans n’importe quel domaine de la connaissance, ou s’appliquent à lui.
Dans le postmodernisme :
- Il n’y a pas de nature humaine ; il s’agit de capacités, de compétences ou de dispositions qui sont transmises ou inculquées par des forces sociales.
Ce constructivisme entraîne le relativisme. Nos identités se forment et se modifient constamment en fonction de notre environnement social. Il est donc possible d’accueillir des identités multiples et variées, des vérités multiples, des codes moraux et des visions de la réalité. L’idée qu’il n’y a pas de vérité objective a toujours conduit l’accent du postmodernisme à se focaliser sur la subjectivité. Bien entendu, la subjectivité elle-même est multiple et temporaire. L’importance accordée à la subjectivité aboutira donc naturellement à un retour à l’expérience locale et spécifique, au détriment de l’universel et de l’abstrait ; c’est-à-dire aux mini-récits (de plus en plus communautaire) plutôt qu’aux grands récits (les mythes fondateurs, structurant une société). C’est sur ce constat que de nouvelles bases culturelles se sont structurées portant avec elles de nouveaux conflits sociaux autour de nouvelles causes. Féminisme, écologie, luttes LGBT, démocratie directe, sont les nouvelles formes de « mouvements sociaux » qui se développent dans le sillage de Mai-68 : les nouveaux mouvements sociaux, contrairement au mouvement ouvrier de l’époque précédente, ne semblent plus porteurs d’un projet bien défini de société, qui pourrait structurer et faire collectif dans celle-ci.
Remarque sur les mythes
Il y a toujours eu des incompréhensions entre la science et le mythe. La science, en tant que voie du savoir, a tendance à négliger ce qui est mythique. De nos jours, la science et la spiritualité sont aussi éloignées l’une de l’autre qu’un iceberg le serait à un champ agricole. Cependant, une nécessité narrative mystérieuse sait parfaitement utiliser les méthodes de l’Homo Sapiens qui n’a cessé d’englober et de rationaliser tous les mystères, créant chaque jour de nouvelles générations de dogmes et de certitudes qui perdurent. Comme une maîtresse offensée, la Vérité semble se détourner de son ancien amant que l’angoisse étreint à ce moment-là. La religion de l’Homme blanc a disparu et sa science est insignifiante devant l’univers. Certains encouragent le retour du spirituel afin de réenchanter le monde.
Les mythes enseignent aux individus comment faire face à l’existence. Ils jouent un rôle essentiel dans la préservation de la mémoire historique et la construction de la continuité des époques. Le mythe de la modernité s’est effondré à la fin de la Seconde Guerre mondiale, lorsque l’on a constaté que la rationalité pouvait être utilisée pour accomplir le pire. Grâce à cela, le structuralisme a pu déconstruire ce qui avait conduit la modernité à accomplir les atrocités les plus atroces sous l’égide d’un idéal utopique. Mais que ce passe t-il si nous sommes dans une société qui a supprimer toute forme de mythe, structurant la société et l’individu ? Et bien ce besoin reviens sous une autre forme, se diffusant partout, ce que l’on nomme le « Storytelling ». Nous avons plus de grandes histoires, et bien fabriquons une multitude de petites histoires auxquelles se raccrocher.
Analyse socio-psychologique, la déconstruction des mythes sociaux :
Une vision philosophique moderne :
- Au moins en principe, il est envisageable de développer des théories générales qui expliquent de nombreux aspects du monde naturel ou social dans un domaine spécifique de la connaissance – par exemple, une théorie générale de l’histoire humaine, comme le matérialisme dialectique. En outre, l’un des buts de la recherche scientifique et historique devrait être de développer de telles théories, même si elles ne sont jamais parfaitement envisageables dans la pratique.
Dans le postmodernisme :
- Cette notion est rejetée par les postmodernistes comme une illusion et même comme un symptôme d’une tendance malsaine dans les discours des Lumières à adopter des systèmes de pensée « totalisants » (comme les qualifiait le philosophe français Emmanuel Lévinas) ou de grands « métarécits » du développement biologique, historique et social humain (comme l’a affirmé le philosophe français Jean-François Lyotard). Selon le postmodernisme, l’histoire, la politique et la culture sont des récits élaborés par ceux qui exercent le pouvoir, qui incluent des mensonges et des vérités incomplètes. Ces théories sont néfastes non seulement en raison de leur inexactitude, mais aussi en raison de leur obligation de se conformer à d’autres points de vue ou discours, les opprimant, les marginalisant ou les réduisant au silence. Selon Derrida, la tendance théorique à la totalité était assimilée au totalitarisme.
Selon le philosophe Baudrillard, la culture de surface postmoderne est considérée comme un simulacre. Un simulacre désigne une représentation virtuelle ou fausse créée par les médias ou d’autres appareils idéologiques. Un simulacre ne se limite pas à une simple imitation ou duplication, il s’agit de remplacer l’original par une image simulée et fausse. Le monde actuel est une illusion, où la réalité a été substituée par des représentations fausses. Cela impliquerait, par exemple, que la guerre du Golfe que nous connaissons à travers les journaux et les reportages télévisés n’a aucun rapport avec ce que l’on peut qualifier de guerre en Irak réelle. Autrement dit, dans le monde postmoderne, il n’existe pas d’original, mais seulement des copies ; il n’existe pas de territoires, mais seulement des cartes ; il n’existe pas de réalité, mais seulement des simulations. Dans cet exemple, Baudrillard ne se limite pas à suggérer que le monde postmoderne est artificiel ; il implique également que nous avons perdu la capacité de distinguer entre le réel et l’objet simulé.
Un rapport au réel :
Une vision philosophique moderne :
- L’existence et les propriétés d’une réalité naturelle objective sont logiquement indépendantes des êtres humains – de leur esprit, de leur société, de leurs pratiques sociales ou de leurs techniques d’investigation.
Dans le postmodernisme :
- Cette idée est rejetée comme une forme de réalisme naïf. Selon les postmodernistes, la réalité telle qu’elle se présente est une construction conceptuelle, un produit de la pratique scientifique et du langage.
Un rapport au monde néolibéral :
De la même manière que nous avons perdu le lien avec la réalité de notre vie, nous avons également perdu le lien avec la réalité des biens que nous consommons. Selon le postmodernisme, la « construction » de nos identités et de nos réalités quotidiennes est largement influencée par les médias. En même temps que les médias jouent un rôle essentiel dans la condition postmoderne, le capitalisme multinational et la mondialisation en sont d’autres. Sur le plan économique, l’ère postmoderne peut être définie comme un monde déshumanisé, globalisé, qui abolit les identités individuelles et nationales au profit d’un marketing multinational. En outre, le postmodernisme entretient un profond cynisme envers la seule force de base de la vie sociale : la culture. En supprimant complètement les présupposés idéologiques sur lesquels repose la civilisation humaine, le postmodernisme crée un sentiment de manque et d’insécurité dans les sociétés modernes, ce qui est crucial pour la survie d’un ordre mondial capitaliste. Dans un monde sans idéologie politique bien défini, vient alors le règne de la technocratie (le pouvoir aux experts) donc Macron en est un très bon représentant.
Il arrive souvent que l’Occidental néglige son ethnocentrisme et les prétentions universalistes de sa théorie. C’est principalement de cela qu’il s’agira de questionner dans notre petit paradis intellectuel, pour replanter des fruitiers de nos universités désormais stériles de programmes, de récits positifs et fédérateurs. En dépit de l’absence de l’Être Suprême (d’Aristote), la notion même de Totalité trouve un terrain favorable dans tous les aspects de la vie de l’Homme (celui-ci étant planétaire). En moins de dix ans, avec l’utilisation des techniques de communication modernes, n’importe quel événement culturel majeur, même « économique », a été diffusé à travers le monde. Les bannis demandent leur paiement aux portes du palais. La dette remonte à l’époque de la Conquista. Il s’agissait à la fois d’une conquête économique et d’une affaire religieuse, et certains souhaiteraient donc revenir à l’époque d’antan, pour oublier (ou faire oublier) les excès de l’impérialisme occidental qui s’est perpétué dans nos pensées, nos paroles et nos actions. Au lieu de faire face à cette transition hivernale, certains préfèrent conserver des acquis en gardant les pouvoirs qui nous restent, mais dont nous savons qu’ils ne régissent plus la réalité.
Il existe de nombreux mouvements du Nouvel Âge aujourd’hui. Ces tendances actuelles font partie intégrante de notre quotidien. Elles deviennent aussi nécessaires que l’étendue de leurs idéaux. En tant que disciple de Jung et traducteur de ses œuvres en français, Roland Cahen constate que la psychanalyse ne connaît plus de succès et se demande pourquoi. Ce qui manque ici comble une autre vision. Cependant, la majorité des « théories » du Nouvel Âge abordent les lacunes des espaces conceptuels de la psychologie académique et se présentent comme des réactions au réductionnisme des systèmes plus médicalisés. Ces mouvements cherchent à valoriser ce qui est divin dans l’être humain : la liberté, la créativité, la spiritualité. On parle fréquemment de la dimension humaine entière ainsi que de concepts qui restent étranger à la psychologie éminente : kabbale, éléments de gnose, doctrines ésotériques… Il semble que l’on se trouve devant un grand ensemble sans cohérence et sans autre but que le désir de ceux qui en suivent les traces (harmonie, paix…). Ces doctrines soulignent fréquemment l’importance de rendre à l’homme sa condition sacrée et de lui rendre une dignité que les révolutions scientifiques lui ont progressivement ôtée. Est-ce que ces « théories » sont influencées par des intuitions créatrices qui pourraient être les fondements d’un nouveau paradigme ? Ces options pour un monde nouveau se divisent en deux catégories en Europe. L’un demeure fondamentalement romantique, idéaliste, et semble prendre le relais de l’ancien ésotérisme, tandis que l’autre cherche à prouver que seuls la science et le pragmatisme pourront faire société de manière juste et pertinente. Le courant idéaliste est principalement présent en France, car le discours scientifique s’adapte mal au conservatisme ambiant. Fréquemment, ces concepts du Nouvel Âge évoquent un retour harmonieux de la paix entre les hommes et la réconciliation entre l’Homme et la Nature.
Il est difficile de dissimuler, dans une partie de la population, le sursaut d’une conscience hégémonique qui cherche à préserver les lumières rassurantes de ses pouvoirs face à la montée d’un chaos qui représente l’envers d’un ordre devenu obsolète. L’ensemble se déroule dans un cadre millénariste, à la fois dramatique et fantastique. Par conséquent, l’enjeu est bien de penser des utopies en rupture avec le capitalisme et non une stricte résistance aux mouvements réactionnaires. Nous sommes engagés dans une recherche théorique et pratique qui tend à comprendre l’ensemble de la crise que nous vivons et qui ne se limite pas au politique, car elle touche les différents registres de l’activité humaine où il est question de la passion, de la liberté et du désir.
Ces registres, outre le politique, sont l’amour, l’art et la science. C’est dire que cette crise déconstruit les fondements mêmes de tous les espaces et les registres où il est question de l’être, de la vérité et de la liberté. Notre monde propose d’abandonner toute démarche structurante et systémique tout cela à la merci d’un monde normalisé et surveillé. La philosophie est un front de luttes, le champ où les différents énoncés issus de la pensée et des pratiques critiques circulent et s’opposent. Qui, de nos jours, ne veut pas renoncer à la liberté dans l’art, la politique, la science et l’amour ne peut pas faire l’économie d’un sérieux détour par la philosophie.
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